Elle se révèle souvent quand l’enfant ne vient pas malgré un désir de maternité. L’insuffisance ovarienne précoce s’apparente à une ménopause, mais affecte des femmes aux ovaires encore en âge de fonctionner. État des lieux.
L’insuffisance ovarienne précoce (dite aussi prématurée) se caractérise par une absence de règles depuis au moins quatre mois chez les femmes de moins de 40 ans. « Le chiffre de 40 ayant été́ déterminé́ de manière arbitraire suite à des analyses épidémiologiques. » précisent les chercheurs du Service d’Endocrinologie de la Reproduction, de l’Hôpital Saint-Antoine à Paris. Elle est dite primaire, chez celles qui n’ont jamais eu de règles, et secondaire chez des femmes préalablement réglées.
Elle traduit un dysfonctionnement des ovaires qui bloque la formation ou la maturation des ovules ou un épuisement anormal et prématuré du stock d’ovules.
Certains l’appellent également ménopause précoce. A tort. Le terme de ménopause fait référence à un arrêt définitif physiologique des règles et de la fertilité. Or l’IOP n’évolue pas toujours vers une ménopause définitive. La deuxième raison, ajoutent les chercheurs de l’Hôpital Saint-Antoine à Paris (1) dans la revue Annales d’Endocrinologie, « est liée à l'impact négatif sur le psychisme des jeunes patientes lors de l’annonce diagnostique du mot ménopause. »
L’IOP concerne 1% des femmes de moins de 40 ans, une femme sur deux cents chez les moins de 35 ans, une femme sur mille chez les moins de trente ans et une femme sur 10 000 chez les moins de 20 ans. Un quart des cas apparaîtrait à la suite d’un traitement ou d’un acte médical. De plus, il semblerait que certaines ethnies soient moins sujettes que d’autres à cette maladie. L’étude américaine SWAN parue en 2001 (2), rapporte que les femmes japonaises (0,1%) et chinoises (0,2%) sont moins prédisposées à l’IOP que les Caucasiennes (1%) ou les Africaines (1,4%).
Elles peuvent présenter les mêmes symptômes : bouffées de chaleur, palpitations, anxiété, insomnie, fatigue, sécheresse vaginale, infertilité. Mais la pré ménopause est une période de transition physiologique normale due au vieillissement des ovaires. Elle commence entre 40 et 50 ans et annonce l’arrivée de la ménopause, alors que l’insuffisance ovarienne précoce apparaît plus tôt et ne répond pas au même mécanisme. Elle ne consiste pas en un vieillissement des ovaires qui serait anticipé, c’est une pathologie. Hormonalement, l’IOP se manifeste par une diminution du taux d’œstrogènes et une augmentation du taux de gonadotrophines (l’hormone folliculostimulante -FSH- et l’hormone lutéinisante-LH). On parle donc d’aménorrhée par hypogonadisme hyper gonadotrope.
Elles sont très variées. Elles peuvent être d'origine chromosomique, génétique, auto-immunes, iatrogènes et peuvent être virales et environnementales. Mais dans 75% des cas la cause exacte d’une IOP reste inconnue. Une soixantaine d’anomalies génétiques impliquées dans l’IOP ont ainsi été répertoriées. La majorité d’entre elles portent sur le chromosome X (par exemple celles responsables du syndrome de Turner ou du syndrome de l’X fragile).
Les femmes atteintes de maladies auto-immunes (la maladie de Crohn, de lupus, de diabète de type 1, de la maladie de Basedow, ou de la maladie d’Addison, …) peuvent elles aussi souffrir d’IOP. Comme celles ayant subi un traitement anti cancer. Car la chimiothérapie et la radiothérapie altèrent le fonctionnement des ovaires. Leurs effets ovariotoxiques dépendent de la durée du traitement, des molécules utilisées, des doses administrées, du type de cancer, et de l’âge de la patiente. Le risque d’IOP augmentant avec l’âge au moment du traitement. Par ailleurs, toute chirurgie des ovaires risque de détruire la réserve d’ovules. Et le retrait d’un seul des deux ovaires multiplierait par six le risque de développer une IOP.
Les causes virales sont peu documentées. Quelques cas seraient apparus après une infection virale, sans que le lien entre les deux n’ait vraiment été démontré. Une inflammation des ovaires (ovarite), consécutive à une complication des oreillons, pourrait être responsable d’une IOP chez 2 à 8% des femmes ayant déclaré la maladie. Elle pourrait provoquer la production d’anticorps anti ovaires, mais le mécanisme biologique reste inconnu.
Enfin, des facteurs environnementaux pourraient avoir une incidence sur le développement des IOP. 97 études scientifiques sont parues sur le sujet entre janvier 2000 et février 2016. Elles montrent l’impact des perturbateurs endocriniens sur la fonction et sur la réserve ovarienne qui pourrait conduire à une IOP. Une étude britannique suggère notamment que les coiffeuses exposées à des solvants ont plus de risques de souffrir d’une insuffisance ovarienne précoce que les femmes employées dans d’autres secteurs professionnels (3).
Le diagnostic repose principalement sur la présence d’une aménorrhée de plus de quatre mois, et un taux d’hormone FSH supérieur à 25 IU/l mesuré à 4 semaines d’intervalle. Les autres marqueurs biologiques pouvant varier d’une femme à l’autre, la Société Européenne de Reproduction Humaine et d’Embryologie (ESHRE) recommande de ne s’en tenir qu’à ces deux indicateurs cliniques. Elle préconise également d’établir la carte chromosomique de la patiente dans les cas d’une IOP d’origine non iatrogène.
En 2004, une étude américaine révélait que l’annonce du diagnostic d’IOP pouvait être psychologiquement traumatisant pour les patientes et recommandait aux médecins de prendre davantage de temps lors de cette consultation pour les informer de leur maladie.
Outre une hypofertilité, et traumatisme à l’annonce du diagnostic, les chercheurs ont constaté que les femmes atteintes d’IOP avaient plus de risque de souffrir d’une dépression au cours de leur vie que les autres (5). Des troubles de l’humeur et du comportement alimentaires ont également été constatés. Quelle que soit son origine, l’IOP augmente aussi le risque de maladie cardiovasculaire et de mortalité précoce associée. Leurs ovaires sécrétant moins d’œstrogènes, les femmes atteintes d’OIP souffrent plus facilement d’ostéopénie, une déminéralisation osseuse qui peut conduire à une ostéoporose et à des fractures. Des chercheurs japonais ont mesuré une sérieuse baisse de la densité osseuse chez les femmes dans l’année qui a suivi leur double ablation des ovaires. A long terme l’IOP pourrait aussi causer des complications neurologiques (troubles cognitifs, démence, maladie de Parkinson).
Ils consistent à prendre en charge d’une part l’infertilité et d’autre part à compenser le déficit en œstrogènes responsable de risques majeurs de problèmes cardiovasculaires et de perte de densité osseuse. Il est important de bien informer et motiver la patiente pour une meilleure adhésion au traitement. Devant une anomalie du caryotype, une consultation en conseil génétique est également recommandée. Les femmes ayant un désir de grossesse doivent être rapidement orientées vers un don de gamètes, le délai moyen d’attente avant l’obtention d’ovocytes pouvant atteindre deux ans. Le traitement hormonal substitutif est indiqué pour prévenir les risques d’ostéoporoses et de fractures osseuses ainsi que d’éventuelles complications cardiaques. Il doit être poursuivi jusqu’à l’âge moyen normal de la ménopause et associé à un suivi annuel endocrinologique et gynécologique pour apprécier sa bonne tolérance.
Non. C’est l’une des raisons pour lesquelles laquelle la qualifier de "ménopause précoce" est impropre. Une faible activité des ovaires chez certaines femmes peut persister, se déclarer par intermittence, provoquer des menstruations et même, chez 5% des patientes, aboutir à une grossesse spontanée. Le risque de fausse couche est similaire à celui de la population générale. En l’absence d’ovulation spontanée, le recours au don d’ovocyte reste le traitement de choix, avec un taux de réussite estimé d’environ 30% par tentative. Car à ce jour, aucun traitement n’a démontré son efficacité dans cette affection pour stimuler l’activité ovarienne et l’ovulation.