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Entreprise et santé au futur

Table ronde "Bien-être mental au travail" : quels rôles pour le législateur, les assureurs et les entreprises ?

Table ronde "Bien-être mental au travail" : quels rôles pour le législateur, les assureurs et les entreprises ?
Mis à jour le
16 février 2024
Santé mentale
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16 février 2024
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*États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne… Dans de nombreux pays, la souffrance mentale des salariés atteint un niveau alarmant, et la France n’est pas épargnée. Le 6 avril 2022, Alan conviait les DRH de L’Oréal France et Microsoft pour débattre des solutions à apporter face à ce fléau qui engendre absentéisme et perte de productivité. *

Souffrance au travail : faut-il durcir la réglementation ?

Avec près d’un salarié sur deux concerné par une difficulté psychologique, la question est plus que légitime. Toutefois, en matière de bien-être mental au travail, des contraintes pèsent déjà sur les employeurs : depuis 1991, ceux-ci sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de leurs salariés. Dans toutes les entreprises, les facteurs de risques psychosociaux (stress, niveau d’autonomie des collaborateurs, qualité des relations de travail, etc.) sont scrutés à la loupe par les DRH et les CSSCT.

Faut-il donc aller plus loin, en sanctionnant par exemple les entreprises qui enregistrent un grand nombre d’arrêts maladie liés à une souffrance psychologique ? “Je ne le crois pas, répond Benoît Serre, DRH de L’Oréal France et Vice-Président national de l’ANDRH, car le bien-être mental n’est pas le même selon les métiers et les personnes. En ajoutant de la loi à la loi, on risque d’inciter les entreprises à s’intéresser aux comportements individuels et à créer des iniquités de traitement entre salariés. Pour cette raison, je crois que c’est plutôt aux assurances santé de s’emparer du sujet. Mais là encore, il faut faire attention si l’on veut préserver le modèle français, qui est celui de la collectivisation du risque”. “Un modèle qui est le même depuis 70 ans”, fait remarquer Jean-Charles Samuelian, CEO et co-fondateur d’Alan. “Or, ce qu’attendent aujourd’hui les citoyens, c’est de la personnalisation : ils veulent avoir le contrôle de leur vie et de leur santé”.

Benoît Serre, DRH de L'Oréal France et Vice-Président Délégué de l'ANDRH, et Jean-Charles Samuelian, CEO d'Alan

Vers une remise en cause de la couverture santé à la française ?

Le bien-être étant avant tout une affaire individuelle, faut-il remettre en cause le principe de mutualisation si l’on veut remédier à la souffrance mentale des salariés ? Pour Jean-Charles Samuelian, pas nécessairement : “On peut très bien imaginer une couverture collective adossée à des parcours de prévention individualisés”. De fait, ce type de dispositif existe déjà outre-Atlantique : chez General Motors, les salariés ont accès à des parcours de prévention sur-mesure. Et — preuve que le bien-être représente désormais un enjeu économique majeur pour les entreprises — le constructeur automobile verse une prime aux collaborateurs qui acceptent de s’engager dans une démarche de prévention.

Peut-on imaginer un tel système en France ? Selon le patron d’Alan, rien ne l’interdit : “Tout l’enjeu est de disposer des bonnes données afin d’organiser ces parcours de prévention. Mais les entreprises ont aussi un rôle à jouer : elles doivent faire en sorte que les outils mis à disposition par les assureurs puissent être utilisés par tous les salariés, qu’ils travaillent dans un bureau ou sur un site de production. Cela implique par exemple de doter tous les collaborateurs d’un smartphone”. Autrement dit, assureurs et entreprises devront travailler main dans la main s’ils veulent prévenir l’apparition de troubles tels que l’anxiété, la dépression ou l’épuisement professionnel.

En attendant, que faire pour prévenir la souffrance mentale au travail ?

Libérer la parole et faire évoluer le rôle des managers

Pour Vincent Segui, DRH de l’expérience collaborateur et manager chez Microsoft, la première étape consiste à libérer la parole. “En interne, nous utilisons le slogan “It’s ok not to be ok” : l’objectif est que nos salariés se sentent libres de parler de leurs difficultés à leur encadrement”. Un encadrement dont le rôle doit évoluer, estime Benoît Serre : “Certains managers de la vieille école considèrent toujours que le travail doit être synonyme de peine, mais les mœurs évoluent : les nouvelles générations ne sont plus prêtes à tout sacrifier pour leur carrière”. Faut-il pour autant transformer les managers en psy, comme chez Unilever UK, où les encadrants suivent des formations pour déceler les troubles psychiques dans leur équipe ? “Ce qui est certain, c’est que nous nous appuierons de plus en plus sur les managers, explique Vincent Segui, car ils sont les mieux placés pour repérer les premiers signaux du mal-être”. Pour Jean-Charles Samuelian, les managers doivent assumer leur propre vulnérabilité : Parler de son burn-out quand on est manager, cela permet d’ouvrir le débat dans l’entreprise. Un leader doit montrer qu’il partage les mêmes difficultés que son équipe”.

Quel rôle peut jouer l'entreprise dans le bien-être mental de ses salariés ?

Le congé “bien-être mental”, une bonne idée ?

La mesure vient des États-Unis : en 2021, l’application Bumble et l’équipementier Nike ont offert à leurs salariés un congé spécifique pour prendre soin de leur santé mentale. Depuis, d’autres entreprises leur ont emboîté le pas. “Nous allons proposer la même chose à nos salariés français, annonce Vincent Segui, mais il y a des précautions à prendre : si ce congé est utilisé à la place d’un arrêt maladie, on risque de ne plus pouvoir suivre les problèmes de santé dans l’entreprise”. Un écueil à éviter absolument, car sans données fiables sur les problématiques de santé au sein de l’entreprise, il est impossible de mettre en place une sensibilisation efficace et des parcours de prévention adaptés pour les salariés.

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Publié le 14/04/2022

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