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Healthier Humanity podcast Épisode 9 Le grand décryptage de nos assiettes - Professeure Mathilde Touvier

Comment notre alimentation façonne-t-elle notre longévité et notre santé mentale, physique et sociale ? Quels sont les vrais leviers pour mieux manger sans culpabilité ? Dans cet épisode de Healthier Humanity, la professeure Mathilde Touvier, grande figure de l’épidémiologie nutritionnelle, partage son expertise et démêle le vrai du faux sur les grands enjeux alimentaires contemporains.

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Healthier Humanity podcast Épisode 9 Le grand décryptage de nos assiettes - Professeure Mathilde Touvier
Mis à jour le
30 avril 2025
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30 avril 2025
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Le grand décryptage de nos assiettes

Directrice de recherche à l’INSERM et responsable de la cohorte Nutrinet-Santé, Mathilde Touvier est l’une des scientifiques françaises les plus engagées sur le lien entre nutrition et prévention des maladies chroniques. Elle a contribué à faire émerger l’importance des aliments ultra-transformés, des additifs, mais aussi du microbiote, en France et dans le monde.

Mathilde Touvier revient sur les grandes leçons issues de la recherche et partage des conseils pratiques pour mieux manger sans tomber dans la culpabilisation ni l’excès de contrôle.

Au fil de la conversation, découvrez :

  • Pourquoi la nutrition est un pilier central de la santé publique
  • Comment les aliments ultra-transformés et les additifs impactent notre organisme
  • Les vrais leviers pour changer ses habitudes alimentaires
  • Le rôle du Nutri-Score et la bataille face aux lobbies
  • Pourquoi le microbiote, la génétique et les rythmes alimentaires sont les prochains grands chantiers
  • Conseils pour la longévité et la santé mentale

Cet épisode est une mine d’informations pour toutes celles et ceux qui veulent reprendre la main sur leur santé, sans injonction ni culpabilité, mais avec une vision claire, scientifique et humaine de la nutrition.

[EPISODE TRANSCRIPT] Introduction [00:15 - 00:57]

Jean-Charles Samuelian : Imaginez un monde où nous vivrions en meilleure santé, plus longtemps, avec plus d'énergie et moins de stress. Bienvenue dans le podcast Healthier Humanity. Je suis Jean-Charles Samuelian-Werve, et j'interview des experts... Experts à la renommée mondiale, des athlètes de haut niveau ou des leaders visionnaires pour parler du futur de la santé, du bien-être et de la longévité. Je suis ravi que vous vous joigniez à nous dans ce voyage. Aujourd'hui, j'ai l'immense plaisir d'accueillir. La professeure Mathilde Touvier, une figure éminente de l'épidémiologie nutritionnelle en France, J'ai réussi à le dire. Mathilde, Merci infiniment d'être là avec nous.

Mathilde Touvier : Je suis ravie.

Présentation de Mathilde Touvier et de ses travaux [00:57 - 02:28]

Jean-Charles Samuelian : Alors, Mathilde, vous êtes... Directrice de recherche à l'INSERM et responsable de l'Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle. Vous êtes également l'investigatrice principale de la cohorte Nutrinet Santé, qui suit plus de 170 000 participants. Vos travaux sur les liens entre nutrition et santé, notamment sur les aliments ultra transformés, les additifs alimentaires et leurs impacts sur notre santé, ont, à mes yeux, considérablement fait avancer notre compréhension de ces sujets, Donc merci pour ça. Vous êtes également co... Créatrice du Nutri-Score, qui est bien connu, On va parler, C'est ce système d'étiquetage nutritionnel qui aide les consommateurs à faire des choix alimentaires plus éclairés. Votre expertise a été reconnue par de très nombreuses distinctions, dont le Prix de recherche de l'InSerm en 2019, le prix de la Fondation Bétancourt-Scholler en 2021. Vous avez également occupé la chaire annuelle du Collège de France en 2022-2023. Bref, La nutrition est un pilier fondamental de notre santé. Aujourd'hui, les maladies... Maladies chroniques liées à l'alimentation comme le diabète, les maladies cardiovasculaires et certains cancers représentent un enjeu majeur de santé publique. Dans un épisode précédent avec le professeur Marion Le Boyer, on avait aussi discuté du lien entre la nutrition et les maladies mentales. Bref, Il faut comprendre que notre alimentation influence notre santé et donc plus cruciale que jamais. C'est pour ça que je suis très heureux de vous avoir aujourd'hui. Mais pour commencer, est-ce que vous pouvez nous raconter un peu plus votre parcours et qu'est-ce qui vous a motivé À vous orienter vers la recherche en épidémiologie nutritionnelle

Le parcours de Mathilde Touvier [02:28 - 03:32]

Mathilde Touvier : Alors moi, initialement, Quand j'étais enfant, je voulais faire soit de l'enseignement, j'ai eu une période aussi journalisme, surtout de la santé, Donc j'ai beaucoup hésité à faire médecine, et puis de la recherche en santé humaine. Et donc, finalement, Les choses se sont faites, Je suis allée en prépa, maths sub, maths P. bio, J'ai intégré l'agro-paritech, Je me suis spécialisée en nutrition humaine. Et puis, j'ai fait ensuite un doctorat en épidémiologie et santé publique. Et tout ça, finalement, J'ai réussi à combiner dans le métier que je fais aujourd'hui, toutes ces passions-là, c'est-à-dire à la fois le côté santé. Alors, je ne suis pas médecin au quotidien parce que finalement, j'avais envie moi de faire, Pas forcément d'être au quotidien avec les patients et d'avoir aussi toute cette charge mentale. Et je salue tous les professionnels de santé qui ont ce courage-là aussi, d'avoir la charge émotionnelle au quotidien. Mais j'avais envie d'avoir une action qui pouvait sauver des vies si possible. Ici, par la santé publique et puis par la nutrition. Et puis, la communication auprès du public, ce qu'on fait aujourd'hui finalement, Il y a une petite part, Je ne suis pas journaliste, mais il y a une petite part aussi là-dedans, et puis d'enseignement. Donc, je suis finalement ravie d'avoir ce métier qui combine toutes mes passions d'enfance.

Les bases de la nutrition [03:32 - 04:30]

Jean-Charles Samuelian : Excellent, merci, beaucoup. Et avant d'entrer dans le détail de vos recherches, est-ce qu'on pourrait établir ensemble un peu les bases, c'est-à-dire comment on définit la nutrition, et quels sont après les principaux nutriments dont notre organisme a besoin, et quel est le niveau de... Connaissance qu'on a de tout ça

Mathilde Touvier : La nutrition nous concerne tous, puisqu'on est obligé de manger pour vivre. Déjà, la nutrition, ça englobe à la fois. l'alimentation, finalement tout ce qui va rentrer en termes de calories, mais aussi de vitamines, minéraux, de protéines pour constituer nos muscles, de lipides, donc les graisses absolument essentielles. Elles constituent notamment la paroi de nos cellules. Tout ce qui va être aussi. Les glucides, les sucres, les... Les fibres alimentaires. Donc tout ça, C'est ce qu'on appelle la nutrition. Et puis aussi tout ce qui va sortir finalement, en termes notamment de dépenses énergétiques, et donc l'activité physique. Et tout ce qui est activité physique, sédentarité, fait partie aussi de la nutrition au sens large.

Approche scientifique et personnalisation de la nutrition [04:30 - 06:46]

Jean-Charles Samuelian : Ok, très intéressant. Je ne savais pas qu'on comptait aussi la lutte contre la sédentarité, sachant qu'en effet, dans nos sociétés, On est de plus en plus dans une crise de sédentarité aiguë qui est assez catastrophique. Vous avez listé un peu les différents éléments qui composaient, ce qui rentre. Encore une fois, à quel point on peut avoir une approche scientifique de ça ? À quel point c'est personnalisé ? À quel point ça dépend de chaque individu ? Ou il y a des grandes règles de nutrition qui s'appliquent à tous ?

Mathilde Touvier : Alors, Quand on parle à nutrition, on parle effectivement d'environ 30 tonnes d'aliments et 50 millilitres de boissons qu'on va ingérer au cours d'une vie, avec tout ce qu'on appelle les macronutriments, protéines, épiglucides, les vitamines, Tout ce qui va être aussi véhiculé par l'alimentation qu'on n'avait pas forcément envie d'ingérer, donc des additifs alimentaires, des contaminants qui proviennent des emballages, des procédés de transformation, des pesticides aussi. Donc, on a beaucoup, beaucoup d'éléments. Et donc, on commence à avoir une bonne idée de l'impact sur la santé de certains éléments forts, par exemple, le fait de consommer des fruits et légumes, des fibres, ou au contraire, les aliments salés, les charcuteries, qui sont des facteurs d'un côté protecteurs et de l'autre délétères. Ça, ce sont des règles qui s'appliquent à l'ensemble de la population. Il y a peu de gens pour lesquels ce ne serait pas vrai. Après, on peut avoir une susceptibilité différente à certains facteurs, évidemment. Déjà, nos besoins ne sont pas les mêmes selon notre taille, notre poids, notre niveau d'activité physique, notre profession. Et puis ensuite, On peut avoir une susceptibilité différente à certains composés. Il y a des travaux tout récents de nos collègues au niveau expérimental, l'équipe de Benoît Chassin et de ses collègues, Qui montrent, par exemple, qu'on ne serait pas sensible de la même manière à certains additifs alimentaires ou certains émulsifiants. Et nos gènes, notre génétique, jouent probablement dans cette modulation de la sensibilité à la nutrition. De même que notre microbiote et la manière dont il va nous aider à digérer et à assimiler les éléments. Donc, en santé publique, il y a quand même un gros socle commun. Il y a vraiment une grosse marge de progression pour déjà essayer d'appliquer. Les recommandations qui, pour tout le monde, feront du bien. Et puis, après, la recherche va aider aussi à affiner vers de la nutrition plus personnalisée.

Les aliments transformés et ultra-transformés [06:46 - 08:54]

Jean-Charles Samuelian : Extrêmement intéressant. Il y a plein de sujets dans lesquels on va creuser aujourd'hui. On entend beaucoup parler d'aliments transformés et ultra transformés. Et est-ce que vous pouvez nous décrire quelles sont les différences entre un aliment brut, quels sont des exemples, quels sont des aliments transformés, Quels sont un peu les différents gradients et quel est l'impact de cette transformation? En fait

Mathilde Touvier : Oui, alors historiquement, C'est vrai que la recherche en nutrition santé, c'est vraiment intéressé. À l'impact du gras, du sucre, des fibres sur la santé. Donc ça, c'est vraiment les choses sur lesquelles on a les niveaux de preuve les plus forts. Mais depuis quelques années, et notamment depuis, on va dire, la fin des années 2000, début des années 2010, On a commencé à se dire qu'il y avait peut-être d'autres choses qui rentraient en ligne de compte, Comme la manière avec laquelle on transformait les aliments, et puis les choses qu'on ajoutait, additifs alimentaires et autres ingrédients, qui pouvaient aussi impacter la santé. Le professeur Carlos Montero, au Brésil, à l'Université de Sao Paulo, a proposé une classification des aliments selon leur degré de transformation, qui s'appelle NOVA, qui va du nova 1, Les aliments bruts, un fruit, de la viande, Un œuf, du lait, par exemple, donc pas transformé ou très peu. Les ingrédients culinaires, ça va être tout ce qui va être. Le sucre, l'huile, le beurre dont on va se servir pour cuisiner. Les aliments, Ça, c'est nova 2. Nova 3, Ce sont les aliments transformés. Finalement, Là, on prend nova 1, on mixe avec les ingrédients nova 2, on a les aliments transformés. Ils peuvent être transformés industriellement. D'ailleurs, il y a des aliments industriels qui sont simplement transformés. Et puis, On a la catégorie des aliments. Ultra transformés, donc les NOVA4. Donc, là, ceux-là, Ce sont des aliments qui vont avoir subi des procédés de transformation intense, donc chimiques, biologiques, physiques, Et qui vont souvent contenir des ingrédients qu'on n'a traditionnellement pas dans nos cuisines. Donc des additifs alimentaires, émulsifiants, édulcorants, colorants, par exemple, ou bien des huiles hydrogénées, sirops de glucose, fructose, donc tout un ensemble d'ingrédients industriels. Et on commence à se... Posé des questions depuis ces années-là sur leur impact potentiel et potentiellement délétère sur la santé.

Exemples d'aliments ultra-transformés [08:54 - 09:40]

Jean-Charles Samuelian : Et des exemples d'aliments ultra transformés pour que les gens réalisent de manière concrète

Mathilde Touvier : Par exemple, des sodas qui vont être constitués de colorants, d'acidifiants, d'édulcorants, parfois, des certaines barres chocolatées, des plats préparés industriels avec ajout d'additifs, certains biscuits industriels. Il y a pas mal d'aliments pour lesquels, déjà, d'un point de vue gras, sucre, sel. On savait que ce n'était pas bon, que c'est d'adjuvant food, on les voyait bien venir. Mais ce qu'il y a d'un petit peu plus subtil, c'est qu'on peut avoir aussi dans cette catégorie des aliments ultra transformés, des biscottes aux céréales ou des yaourts qui ont plutôt une image santé. Alors qu'en fait, ils vont contenir certains émulsifiants, certains édulcorants et finalement, Ils ont beau être bons sur le côté nutritionnel, ils ne le sont pas forcément bons.

Impact de l'alimentation sur la santé et l'obésité [09:40 - 11:41]

Jean-Charles Samuelian : Les aliments de base, Une partie des aliments de base est bonne, mais en fait, La transformation sur... A beaucoup d'impact. À quel point vous vous intéressez aux notions de surpoids, d'obésité ? Et est-ce que c'est la seule, d'ailleurs, métrique qui est un peu de sortie de la nutrition Comment vous réfléchissez à l'impact sur la santé, à la fois sur le spectre pondéral Et quels sont les autres spectres ?

Mathilde Touvier : Quand on s'intéresse à l'impact de l'alimentation sur la santé, il y a beaucoup de maladies pour lesquelles maintenant, on sait que la nutrition joue. Évidemment, de manière visible, il peut y avoir le surpoids et l'obésité, qui sont des maladies multifactorielles. Il n'y a pas que les facteurs, notamment alimentation, activité physique, qui jouent. Il y a une part aussi de génétique. Notre métabolisme, à la base, On n'est pas sensible de la même manière. Mais évidemment que dans ces pathologies, oui, La manière dont on va s'alimenter joue. Donc, là, on sait aujourd'hui, par exemple, sur l'obésité, que les boissons sucrées, Les régimes de type fast-food et la sédentarité sont des facteurs de risque et, à l'inverse, L'activité physique, les aliments riches en fibres alimentaires, donc fruits et légumes, légumineuses ou produits céréaliers complets, sont des facteurs protecteurs vis-à-vis de l'obésité. Parler d'obésité, dans les études épidémiologiques, On s'intéresse à l'indice de masse corporelle, l'IMC, qui se calcule en prenant le poids en kilos, divisé par la taille en mètres au carré, donc la taille multipliée par elle-même. On parlait à l'instant des aliments ultra transformés. On a des études qui montrent que consommer plus d'aliments ultra transformés est associé à une augmentation de risque d'obésité. On a été les premiers avec l'étude Nutrinet Santé, dont on reparlera, à montrer des... Des liens aussi entre aliments ultratransformés et risques de cancer, de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2. Et ces études-là ont maintenant été reproduites dans plus de 80 publications au niveau international, montrant cet impact délétère des aliments ultratransformés.

Méthodologie de l'épidémiologie nutritionnelle [11:41 - 14:14]

Jean-Charles Samuelian : Et est-ce que vous pouvez nous expliquer, et vous avez commencé à le faire, mais vraiment, Comment fonctionne l'épidémiologie nutritionnelle Comment on fait des études ? Qu'est-ce qu'on essaye de mesurer À quoi ressemble cette typologie d'études ? Et comment vous posez des hypothèses ? Comment vous les testez ? Comment vous arrivez à vos conclusions ?

Mathilde Touvier : Alors, quand on s'intéresse aux relations nutrition-santé, Ce que voit le public finalement, c'est quand on arrive avec la conclusion, la recommandation finale. Donc, par exemple, au moins 5 portions de fruits et légumes par jour. C'est vraiment intéressant, en effet, de savoir comment tout ça est constitué. Pour en arriver là, derrière, Il y a des dizaines d'études épidémiologiques. Des études épidémiologiques, Ça veut dire qu'on s'intéresse à ce que les gens mangent dans la vraie vie. Et pas seulement. 2, 3, 10 personnes. On va s'intéresser à des milliers, voire des centaines de milliers de personnes. On va mesurer leur consommation alimentaire avec des questionnaires alimentaires, des outils qui sont validés. On pose des questions, on vérifie après avec des biomarqueurs sanguins, urinaires, Que ces outils marchent bien et on peut les déployer sur l'ensemble de la population d'études. Et puis, on va suivre dans le temps. L'état de santé des participants. On va avoir des personnes qui vont manger beaucoup de fruits et légumes, d'autres moins. Certains vont développer un cancer, une maladie cardiovasculaire et d'autres pas. Et on va pouvoir mettre en relation ces niveaux de consommation et d'exposition avec le risque de développer telle ou telle maladie. Et puis, On sait bien que les personnes qui vont manger plus de fruits et légumes souvent font aussi plus d'activités physiques, sont moins fumeuses, etc. Et donc ça, On va le prendre en compte dans ces études-là. On va mesurer tous ces paramètres et on va ajuster en regardant Merci. Toute chose égale par ailleurs, s'il y a des niveaux de maladies différents en fonction des niveaux de consommation alimentaire. Donc ça, c'est l'épidémiologie. Il y a aussi toute la recherche au niveau expérimental sur les cellules, sur les animaux, donc la recherche plutôt toxicologique ou nutritionnelle expérimentale, qui va aussi s'intéresser à la même chose. Est-ce que dans les fruits et légumes, Il y a des composés qui vont servir d'antioxydants, de limiter l'inflammation chronique et qui vont expliquer les observations qu'on a chez l'humain Et tout ça mis bout à bout. Dans des synthèses de la littérature, dans des expertises collectives au niveau national ou international, c'est vraiment ça qui va nous permettre de dire bon là, maintenant, On a suffisamment de matériel pour dire que oui, manger des fruits et légumes, Ça va réduire le risque de maladies cardiovasculaires, d'obésité, de diabète ou de plusieurs localisations de cancers. Et c'est une fois qu'on en est là seulement qu'on émet les recommandations pour la population.

Défis et limites de la recherche en nutrition [14:14 - 15:55]

Jean-Charles Samuelian : C'est extrêmement intéressant et j'adore. Cette approche en effet un peu empirique de détecter sur des populations larges. Des facteurs. Et approche plutôt vers le bas de voir les interactions au niveau cellulaire et essayer de faire converger les deux. Ça doit être passionnant comme chemin intellectuel. Est-ce qu'il y a des défis méthodologiques ou des limites que vous voyez dans cette analyse entre les relations entre nutrition et santé ? Quels sont les bloqueurs aujourd'hui qu'on a encore dans la recherche ? Qu'est-ce qu'on aimerait découvrir

Mathilde Touvier : Alors, effectivement, On sait déjà pas mal de choses. Et puis, on va revenir, j'imagine, après, sur ce qu'on sait, Ce qui nous a permis de découler les politiques de santé publique, certains outils. Mais il y a énormément de choses qu'on ne sait pas encore. J'évoquais là, Par exemple, le fait que notre alimentation, au-delà des sucres, des graisses, des fibres, est aussi vectrice d'additifs alimentaires, de pesticides, de contaminants provenant des emballages. Tout ça, on n'a à peu près aucune idée. Enfin, comment c'est-à-dire depuis ces dernières années De l'Impact sur la santé, sur les maladies chroniques de ces expositions-là. Donc ça, C'est vraiment des challenges qu'on veut relever au niveau recherche pour comprendre tout ça. Quel est le rôle aussi du microbiote intestinal dans tout ça ? Quels sont aussi, du point de vue? recherche, sur les comportements nutritionnels ? Comment est-ce qu'on peut identifier les freins et les leviers, à la fois psychologiques, environnementaux, géographiques, économiques, à l'adoption de comportements nutritionnels plus favorables à la santé ? Qu'est-ce qui pourrait marcher comme outil de santé publique pour améliorer la prévention des maladies chroniques ? Donc, il y a plein de dimensions comme ça, de la recherche en nutrition, santé, avec encore énormément de choses à explorer.

Le temps de la recherche et des recommandations [15:55 - 17:15]

Jean-Charles Samuelian : Et avant de rentrer dans le nutrinet santé et sur les recherches que vous avez faites. En plus de l'étail, peut-être une dernière question. Quand on initie une phase d'étude et au moment où on a ses recommandations, quel est un peu le laps de temps Et... Qui se passe, que j'imagine, pour voir l'émergence de maladies chroniques, C'est sur le temps très long. Quelles sont un peu les durées de ces études et des cohortes que vous regardez ?

Mathilde Touvier : Oui, c'est une bonne question. En effet, et heureusement, Quand on mange quelque chose, Ce n'est pas quelque chose qui va déterminer le fait qu'on ait un cancer le lendemain. Donc, on est quand même sur du long terme. Ce sont des processus qui peuvent mettre des années, voire parfois des dizaines d'années. Et donc, c'est important d'avoir ça en tête aussi, puisqu'on est toujours en train de courir après des nouveaux produits, des nouveaux additifs, des nouveaux matériaux de contact. Et donc, le temps que l'épidémiologie se fasse, que la recherche se fasse, Il y a le temps d'avoir intoxiqué pas mal de gens, si on regarde les choses dans le sens délétère. Mais donc, oui, La recherche, c'est du temps long. Également parce qu'on ne se base jamais sur une seule étude quand on va trouver quelque chose au niveau de Nutrinet Santé, par exemple. On a aussi besoin de reproduire ça dans d'autres populations, d'autres cohortes. Et donc, C'est évidemment fondamental d'avoir des années devant nous pour pouvoir arriver à ces recommandations de santé publique.

L'étude Nutrinet Santé et ses objectifs [17:15 - 20:12]

Jean-Charles Samuelian : Et donc, C'est en effet entre la première intuition et la recommandation, il y a beaucoup de temps. Et c'est ça qui doit être un peu parfois difficile en ayant cette intuition et ne pas pouvoir faire la recommandation complète. Mais on pourra parler peut-être aussi tout à l'heure. De quelles sont vos intuitions qui n'ont pas encore été démontrées par la recherche. Mais est-ce que du coup, Vous pouvez nous présenter l'étude Nutrinet Santé Quels étaient ses objectifs ? Et comment? Cette cohorte de 170 000, 180 000 personnes a contribué à l'élaboration des recommandations nutritionnelles nationales ?

Mathilde Touvier : Oui, donc, alors, dans les années, donc là, On est en 2009, quand on a mis en place Nutrinet Santé avec Serge Herzberg, mon prédécesseur, et puis, enfin, voilà, Toute l'équipe avec nous. L'idée, c'était d'aller beaucoup plus loin par rapport à ce qu'on connaissait déjà sur les aspects nutritionnels, de pouvoir conduire avec un outil suffisamment fin qui caractérise vraiment de manière très précise, les expositions nutritionnelles. Et pouvoir creuser les questions des additifs alimentaires, des pesticides et autres. Et donc, on s'est dit à l'époque, utilisons l'outil Internet. Ça paraît évident aujourd'hui, mais à l'époque, on a été la première Web cohorte, donc Cohorte, suivie sur Internet. Au niveau international, de cette ampleur. Et donc, On a lancé le 11 mai 2009 l'étude Nutrinet Santé. On a recruté depuis ce moment-là des participants, des volontaires à l'étude. On est en train toujours de recruter de nouveaux participants. Donc, Si certains des auditeurs ou auditrices qui nous écoutent veulent rejoindre l'aventure, c'est vraiment une manière de faire progresser la recherche publique sur les connaissances nutrition-santé. Et donc, il suffit pour participer à nutrinet de... Remplir des questionnaires sur Internet, c'est ce qu'on a voulu le plus simple possible. On a ce qu'on appelle des enregistrements alimentaires de 24 heures, pendant lesquels on note tous les aliments, les boissons qu'on a consommés. Il y a trois journées réparties sur 15 jours au départ de l'étude. Ça ne prend pas la journée, ça prend 20 minutes à dire ce qu'on a mangé dans la journée. Et puis, on repropose régulièrement ces questionnaires-là au fil du suivi pour voir l'évolution des consommations. On pose des questions, évidemment. Sur l'activité physique, sur le tabagisme, la consommation de... De compléments alimentaires ou autres. Et puis, Il y a des questionnaires santé réguliers pour suivre l'état de santé des participants. Et nous, Ça nous permet vraiment de mettre en relation tous ces niveaux d'exposition aux différents paramètres nutritionnels. Et là aussi, quand on s'intéresse à la santé, J'évoquais tout à l'heure, effectivement, obésité, cancer, maladie cardiovasculaire, diabète de type 2, Mais aussi tout un large spectre de pathologies pour lesquelles on commence juste à percevoir l'impact de la nutrition. Vous évoquiez les maladies, le professeur Boyer, tout à l'heure sur les maladies cognitives, mentales. Il y a les pathologies aussi respiratoires, dermatologiques, rhumatologiques, pour lesquelles on voit de plus en plus de liens avec la santé qui se dessinent.

Les découvertes sur les aliments ultra-transformés [20:12 - 22:28]

Jean-Charles Samuelian : Extrêmement intéressant. Et ça me donne envie de réfléchir à comment. Dans l'écosystème Alan, on pourrait donner accès à nos membres pour s'inscrire à ces recherches. Ce serait formidable. Avec des outils numériques de suivi dans l'application. Vos travaux ont du coup eu, Et principalement sur les aliments ultratransformés, un retentissement assez fort. Est-ce que vous pouvez nous parler de ce que vous avez découvert. Et un peu des chiffres clés sur... Mais la corrélation avec certaines pathologies chroniques, et notamment les cancers et le diabète de type 2, vous avez commencé à le toucher, Mais est-ce qu'il y a encore plus de chiffres et d'informations que vous voulez partager ?

Mathilde Touvier : Oui, donc, quand on a commencé à s'intéresser à ça, Il n'y avait pas encore eu d'études qui mettaient en relation les fameux aliments ultra transformés, tels que catégorisés par la catégorie NOVA, et le risque de cancer, maladie cardiovasculaire ou diabète. Donc, dans NutriNet, on a classé les... Plus de 3500 aliments différents consommés par les participants, selon cette catégorisation NOVA. Et on a montré notamment, par exemple, pour le risque de cancer, que quand on avait 10 points de plus dans le pourcentage, la part d'aliments ultra transformés dans le régime alimentaire, Le risque était plus élevé d'environ 10, 11, 12% de cancer au global. On le voyait aussi, notamment pour le cancer du sein dans cette étude-là. On a montré des résultats similaires en termes d'ordre de grandeur aussi pour les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, le surpoids et l'obésité, Et puis des résultats également sur la mortalité prématurée. Et puis, on travaille maintenant sur d'autres outcomes de santé, donc sur l'insomnie, les troubles du comportement alimentaire, les pathologies. gastro-intestinales, donc les pathologies inflammatoires de l'intestin. Et donc, ces résultats-là, là où on était heureux de voir le dynamisme de recherche internationale là-dessus, c'est que... Aujourd'hui, Il y a plus de 80 études qui ont montré des liens entre ce qu'on consomme. Et le risque. Au fil du temps, de développer plus de maladies chroniques sur les aliments ultratransformés. Donc on a maintenant, autant sur les aspects cancer, notamment, Il y a besoin encore de recherches pour consolider les niveaux de preuves. Il y a une vraie densité importante d'études sur tout ce qui est maladies cardiovasculaires, obésité, voire santé mentale.

Les recherches sur les additifs alimentaires et les emballages [22:28 - 26:19]

Jean-Charles Samuelian : Extrêmement intéressant et un petit peu effrayant. Vous menez aussi des recherches sur les additifs alimentaires et les matériaux d'emballage. Est-ce que vous pouvez nous en parler un peu plus D'où en est la recherche là-dessus ? Quelles sont peut-être, comme on en parlait, Vos premières intuitions, même si les recherches ne sont pas encore complètement conclusives, j'imagine Et à quoi il faut faire attention en tant que consommateur ?

Mathilde Touvier : Oui, donc l'étape suivante, Une fois qu'on a constaté ce lien Aliment ultra transformé, santé, c'était de se demander par où ça passe en fait. Les composés, les facteurs de ces aliments ultratransformés qui impactent de manière délétère. Et donc la piste des additifs alimentaires, On a commencé à l'explorer il y a quelques années à travers un projet européen. ERC, un financement de l'Institut national du cancer, aussi, et de la Fondation Bettencourt, et du ministère de la Santé. Et donc, on a pu quantifier dans l'étude Nutrinet Santé, l'exposition aux additifs alimentaires. Ce qui nous a permis de faire ça et que ne peuvent pas faire les autres études pour l'instant dans le monde. C'est qu'on avait collecté tout le nom commercial et la marque des produits. Et ça, quand on s'intéresse aux additifs, c'est très important, puisque vous prenez deux biscuits au chocolat ou deux plats préparés, vous allez avoir de zéro à dix additifs et pas les mêmes, selon les marques. Et donc, On a pu chiffrer ces expositions-là et on a commencé, groupe d'additifs par groupe d'additifs, à explorer le lien avec les maladies chroniques. On a montré des liens pour les nitrites, les édulcorants, comme l'aspartame, par exemple. Ou bien certains émulsifiants, mono- et diglycérides d'acide gras, caragénane, etc. Et donc on a des liens avec notamment le risque de cancer, de diabète de type 2, d'hypertension artérielle et de maladies cardiovasculaires. Et là, maintenant, On s'intéresse à d'autres additifs, comme les conservateurs, le glutamate ou les colorants, par exemple, et aussi au mélange d'additifs. Puisque, au final... Ce qu'on ingère, ce n'est pas des additifs de manière séparée, Ce sont des mélanges qui peuvent avoir des effets, cocktails, Ça veut dire des interactions entre les composés qui vont au-delà de l'effet des substances, elles-mêmes. Et donc, on commence à étudier ces aspects-là. Il y a des travaux aussi dans notre projet, qui sont conduits par des partenaires, des équipes au niveau expérimental, toxicologique, Et qui sont en train de mimer sur des modèles animaux ou sur des cellules. Les expositions réelles qu'on a dans la vie, chez l'homme. Et de tester ça sur des choses qu'on ne pourrait pas faire éthiquement. Chez l'humain, sur la perméabilité intestinale, la toxicité cellulaire, etc. Et qui voient des impacts de certains mélanges, de certains additifs. Nos collègues sur le microbiote intestinal voient aussi l'impact de certains additifs. Donc, on a un faisceau d'arguments qui commence à se densifier. Ces travaux-là ont permis par exemple aussi au Centre international de recherche contre le cancer de Classifier. Maintenant, l'aspartame comme cancérigène possible pour l'homme. Et donc, on a un faisceau de preuves qui se densifie. Ensuite, il y a d'autres pistes. Vous évoquiez du coup les matériaux au contact des aliments. Il y a à peu près 12 000 composés chimiques qui sont autorisés pour fabriquer les emballages, les matériaux au contact des aliments qu'on consomme. Là-dessus, On commence à avoir des preuves d'effets pas très favorables à la santé, sur les pyphases, les phtalates, des choses, Le bisphénol a notamment, qui sortent dans la presse. Mais sur les 12 000, c'est qu'une petite partie, donc il y a énormément d'impacts qu'on ne connaît pas. Les évaluations par les instances sanitaires. S'intéresse à des aspects très particuliers, donc cibles, cytotoxicité, génotoxicité. Mais finalement, L'impact sur le métabolisme, le risque à long terme sur les maladies cardiovasculaires, les cancers ou encore sur le microbiote intestinal, Tout ça, ça n'a pas été testé, investigué dans la plupart des cas. Et puis, On ne connaît pas les interactions avec le reste de l'alimentation. Donc voilà, encore tout un vaste champ de recherche qui s'ouvre là-dessus.

L'impact des rythmes alimentaires sur la santé [26:19 - 28:08]

Jean-Charles Samuelian : Et vous avez aussi étudié l'impact des rythmes alimentaires sur notre santé. Comment les horaires des repas impactent notre métabolisme et notre risque de maladies chroniques ? Et je ferais peut-être à deux horizons, est-ce que ça a des impacts. Court terme C'est pour commençant le lendemain ou le jour même, et après, sur le long terme, sur les risques de maladies chroniques.

Mathilde Touvier : Alors, ça, c'est un tout nouveau. Champ de recherche aussi, dans mon laboratoire qui est conduit par Bernard Sour. Jusqu'à présent, On s'était dit qu'on allait faire attention à la qualité de ce qu'on mange. Et puis, On s'aperçoit finalement, maintenant que l'heure à laquelle on mange peut jouer aussi. Donc ça, C'est mon drame, parce que j'essaye de bien suivre les recommandations sur le côté qualité, pas d'additifs, machin. Mais alors, si maintenant, en plus, il faut faire attention aux heures des repas et être régulier, c'est compliqué. Mais ce qui semble se détacher, Il y a eu des études, surtout jusque-là, sur des paramètres plutôt métaboliques à court terme, en effet. Ou sur le poids à court terme. Et donc, Il y a eu un rapport de l'ANSES récemment sur la chrononutrition, qui semblait montrer un effet favorable sur ces paramètres métaboliques. D'un profil horaire. Qui serait donc essayer de ne pas grignoter toute la journée sur les 24 heures, de réduire la phase, La fenêtre de temps pendant les 24 heures pendant laquelle on va consommer, plutôt une fenêtre vers le haut de la journée, donc un petit déjeuner pas trop tard. Et arrêter de manger plutôt pas trop tard, non plus, et notamment si possible deux heures avant le coucher. Et donc, ce profil-là semble être bénéfique à court terme. Dans Nutrinet Santé, on a commencé à montrer que des paramètres de ce profil-là semblaient aussi être associés à un risque moindre de diabète. De type 2, maladie cardiovasculaire ou certains cancers.

Le jeûne intermittent et ses risques [28:08 - 29:23]

Jean-Charles Samuelian : Connecté à ça, qu'est-ce que vous pensez? Des pratiques de jeûne intermittent Et est-ce que c'est des choses que vous regardez ?

Mathilde Touvier : Alors ça fait partie des choses qu'on va étudier aussi, notamment. Il y a eu un très fort engouement autour du jeûne. Initialement, c'était partie de travaux expérimentaux, donc l'équipe de Walter Longo, qui avait fait jeûner des souris pendant les traitements anti-cancer, pendant la chimiothérapie, Et qui avait montré que les traitements étaient plus efficaces, qu'il y avait moins d'effets secondaires. Donc il y a eu tout un espoir qui est né autour de ça, un engouement. Avec des essais cliniques qui, malheureusement pour l'instant, n'ont pas réussi à reproduire ça chez l'humain, Mais un emballement qui fait qu'il y a plein de patients qui se mettent à jeûner, parfois sans même en parler à leur médecin, avec des risques de dénutrition, des risques, au contraire de largement aggraver les choses, Et puis pas d'impact, en tout cas, pour l'instant, un prouvé bénéfique, même en population générale, que ce soit sur le maintien du poids ou autre. Donc, on est dans une situation là où peut-être que certains travaux... Sur le jeûne intermittent, etc., Permettront d'avancer les connaissances. Mais là, pour l'instant, très clairement, Il peut y avoir plus de risques que de bénéfices à faire du jeûne ou pratiquer ces aspects-là, notamment sans suivi médical.

La nutrition comme outil de prévention [29:23 - 31:41]

Jean-Charles Samuelian : Très intéressant, en effet, de voir parfois ce qu'ils peuvent faire les grandes lignes et après la réalité de la recherche qui est derrière. On parle aussi de plus en plus du concept « food is medicine » , et donc la nutrition, où les aliments sont... Ce sont des médicaments, Je ne sais pas comment le traduire. En français. d'ailleurs, peut-être que vous avez le terme consacré. Comment vous voyez la nutrition comme un véritable outil, médicament pour la prévention, pour la prévention des maladies chroniques ou d'autres aspects

Mathilde Touvier : Alors, en prévention primaire, Ça rejoint un petit peu ce qu'on disait. Maintenant, L'impact de l'alimentation sur la santé est prouvé. Si on prend l'exemple du cancer, on pourrait éviter entre 40, 50, 60 %, ça dépend des localisations de cancer. De tous les cancers qui surviennent chaque année en France. Donc, On pourrait éviter 142 000 nouveaux cas de cancer en modifiant notre mode de vie. Alors, en tête, tabac. Donc ça, C'est sûr que ça reste, Ce n'est pas le sujet du jour, mais ça reste un facteur à rappeler.

Jean-Charles Samuelian : On a un très bon épisode là-dessus.

Mathilde Touvier : J'imagine qu'il faut la fois attaquer cet angle-là. Mais juste après le tabac, viennent tous les facteurs nutritionnels. Donc, le côté alcool, alimentation déséquilibrée, sédentarité, etc. Donc, tout ça, c'est vraiment les facteurs. Qui vont le plus impacter notre risque de cancer sur lesquels on peut agir. Donc, on voit qu'on a un poids ici au niveau des... Des décès au niveau international, un décès sur cinq est lié à un problème lié à l'alimentation. Alors, dans certains pays, certaines régions, On n'est plus sur la sous-nutrition et la famine. Dans d'autres pays, et parfois au sein du même pays, dans des problèmes d'excès ou d'alimentation non adaptée. Mais en tout cas, On voit très bien ici qu'en prévention, Pour éviter tout ça, La nutrition joue un rôle clé. Et après, on parlait là de médicaments, On est plus du coup chez des populations malades. Il y a aussi vraisemblablement un impact très important de la nutrition chez les patients. J'évoquais le cancer à l'instant. Il y a un rapport qu'on a fait avec l'INCA et le réseau NACR, Nutrition, activité Physique, Cancer, Recherche, et qui montre l'importance de certains facteurs nutritionnels pendant les traitements, chimiothérapie, radiothérapie, etc., Pour améliorer le pronostic. Et puis aussi chez des personnes qui ne sont plus malades, qui sont en rémission. Pour les aider à ne pas développer un second cancer ou avoir une récidive. Donc, la nutrition joue à tous les stades.

Les principes d'une alimentation pour la longévité [31:41 - 34:35]

Jean-Charles Samuelian : Merci beaucoup de ce partage. Si on rentre dans des conseils, peut-être aussi un peu plus pratiques pour nos auditeurs, pour vous, Quels sont les grands principes d'une alimentation faite pour la longévité, selon les connaissances scientifiques actuelles ? Qu'est-ce que vous appliquez à vous-même peut-être même ? Je pense que ça intéressera tout le monde de comprendre. Ce que Mathilde Touvier se nourrit. Et quelles sont un peu les grandes thèses et les grandes recommandations sur une nutrition au service de la longévité.

Mathilde Touvier : C'était intéressant, Lundi, il y avait un colloque de l'Express. là-dessus, avec notamment un prix Nobel aussi de Chimie, qui a partagé son expérience. Sur la nutrition, ça rejoint finalement ce qu'on dit, ce dont on discute depuis le début. C'est-à-dire que vivre plus longtemps et en bonne santé, c'est avant tout éviter les grandes maladies chroniques qui sont les fardeaux de nos sociétés. Donc, diabète de type 2, cancer, maladie, cardiovasculaire, obésité, etc. Donc, on a déjà vu comment la nutrition, par rapport à ça, En suivant les recommandations du Programme National Nutrition Santé, pouvait contribuer. Dans l'état actuel des connaissances, ce qu'on voit pour maximiser nos chances de vieillir en bonne santé, c'est vraiment l'aspect, donc. Les au moins 5 portions de fruits et légumes par jour. Des légumineuses, donc les légumes secs, des pois, chiches, lentilles, etc., Au moins deux fois par semaine, parce qu'elles sont riches en fibres, mais aussi en protéines végétales. Essayez du coup, de l'autre côté, de limiter la viande rouge, pas plus de 500 grammes par semaine, Pas plus de 150 grammes de charcuterie par semaine, non plus, par rapport au risque de cancer colorectal. Consommez des poissons, donc poissons deux fois par semaine, dont un poisson gras, pour les oméga-3 et autres acides grapoliens saturés. Essayer de prendre une petite poignée par jour de noisettes, amandes, noix, Ce qu'on appelle les fruits à coque, là aussi de très bons lipides à l'intérieur. Plutôt privilégier les matières grasses végétales, donc l'huile de noix, de colza ou d'olive, versus le beurre ou les matières grasses animales. Et puis limiter les boissons sucrées, l'alcool, évidemment. Pratiquer une activité physique, donc les recommandations, c'est d'essayer d'avoir 30 minutes d'activité dynamique par jour. Plus après du renforcement musculaire et du stretching aussi. Donc voilà, on a tout un ensemble de recommandations. Et puis, après, on en reparlera du Nutri-Score. Pas trop d'aliments ultra transformés, Si on peut limiter et plutôt prendre du fait maison et du moins transformé, ça joue aussi. Donc tout ça, ce sont les recommandations qui, dans l'état actuel. Des connaissances, permettent de maximiser nos chances de vieillir en bonne santé. Et il y a aussi des travaux, notamment sur le vieillissement cognitif. Maladies d'Alzheimer, etc. aussi, pour lesquelles il y a de plus en plus d'études qui montrent un impact potentiellement positif d'un régime de ce type-là et qui rejoint le régime méditerranéen. Aussi, pour la prévention de tout ça.

Comment changer ses habitudes alimentaires [34:35 - 36:55]

Jean-Charles Samuelian : On parle beaucoup de ce régime méditerranéen. Et est-ce que vous avez des conseils que vous avez pu voir dans vos études ? Les gens savent souvent ce qu'il faut faire, mais la question, c'est comment on opère cette transformation et ce changement d'habitude alimentaire. Est-ce que vous avez des recommandations là-dessus ? Est-ce que c'est des choses que vous avez regardées ?

Mathilde Touvier : Alors, bon, effectivement, en pratique, On a beau savoir ce qu'il faut faire, ce n'est pas toujours facile de l'appliquer. Notamment en France, On a la chance d'avoir une offre alimentaire qui est assez démesurée. À chaque coin de rue, dans chaque supermarché, kiosque ou autre, on a le choix alimentaire. Mais du coup, faire les bons choix avec l'influence qu'on reçoit de la part du marketing, de la publicité, Ce n'est pas toujours facile. Donc, on va reparler du Nutri-Score, c'est clairement une des astuces, un des outils qu'on va pouvoir utiliser. Pour nous aider dans tout ça, il y a le programme National Nutrition Santé, Le site Mangezbouger.fr est très bien fait. Il va donner des idées de menus, par exemple, Il y a quelque chose qui s'appelle la fabrique à menus et qui propose des idées de recettes qui font envie, Puisqu'on aura beau dire aux gens ce qu'il faut manger, On va prendre nos bonnes résolutions le 31 décembre pour le 1er janvier, si on veut s'astreindre à quelque chose de trop drastique, où on ne prend plus de plaisir alimentaire, On va tenir 2-3 jours et après, ça va repartir encore pire dans nos mauvaises habitudes. L'idée, c'est vraiment de se faire plaisir avec l'alimentation, de réaliser qu'on peut manger des fruits et légumes, etc., Avec des recettes qui sont savoureuses, qui font plaisir, Et ça marche aussi chez les enfants, Et qu'on peut avoir un bénéfice pour sa santé. Et donc, mangezbouger.fr, Il y a des idées de recettes, la liste des courses qui va avec, On peut préciser si on a des intolérances ou si on est végétarien ou autre. Donc ça, C'est un outil qui peut aider vraiment au quotidien. Il y a ce qu'on peut faire avec le Nutri-Score, avec l'éducation dès le plus jeune âge. Moi, j'aimerais bien qu'il y ait une heure de cours obligatoire par an pour les enseignants, dès la maternelle jusqu'au lycée, pour qu'ils puissent transmettre les dernières recommandations, les nouvelles connaissances sur la nutrition et apprendre à se servir du Nutri-Score ou autre. Donc, ça ferait partie des choses qu'on pourrait faire. Et après, il y a toute l'action aussi qu'on peut faire. Au niveau actions de santé publique, Je pense qu'on en reparlera aussi. Ne pas mettre que la pression sur le consommateur, mais sur nous au quotidien.

Les compléments alimentaires : utiles ou pas ? [36:55 - 39:13]

Jean-Charles Samuelian : Et juste avant d'entrer dans le Nutri-Score qui m'intéressait en mêlant, Quelle est votre opinion sur les compléments alimentaires ? Il y a toute une vague sur le sujet. Et comment vous y réfléchissez ? Comment vous avez regardé ça dans vos études, etc. ?

Mathilde Touvier : Oui, Alors c'est vrai que le marché des compléments alimentaires est vraiment très florissant. On n'arrive pas encore au niveau des États-Unis où il y a à peu près une personne sur deux qui en prend tous les jours. Donc, en France, c'est moindre, en tout cas pour la consommation, mais le marché continue à augmenter. La prise de compléments aussi chez les adultes et chez les enfants. Et c'est vrai que c'est très séduisant de se dire, Ben, voilà, On n'a qu'à manger un petit peu, n'importe quoi, On ne dort pas bien parce que le sommeil est important aussi, L'activité physique, bof, Mais on a la pilule miracle qui va faire que ça rachète. Tout et on sera en bonne santé. Et donc, Il y a beaucoup de promesses sur tout un tas de paramètres de santé qui sont vendus par ces compléments alimentaires, Alors qu'en fait, les preuves scientifiques ne sont pas là. Donc, il n'y a aucune autorité de santé, que ce soit l'ANSES, L'Institut national du Cancer, le Haut Conseil de la Santé publique ou autre, qui va recommander la prise de compléments alimentaires en population générale. Finalement, l'alimentation, l'idée, c'est de mettre l'énergie sur l'alimentation pour essayer d'équilibrer au maximum. Et ça, notamment, Ça nous permet d'avoir tous nos apports alimentaires. Quand on voit dans les rayons, à l'approche de l'automne, la vitamine C, par exemple, Pourquoi est-ce qu'on devrait prendre de la vitamine C C'est sûr qu'elle est utile et indispensable au fonctionnement de l'organisme, qu'elle permet de lutter contre la fatigue et autres. Mais par contre, vous mangez une orange et un kiwi, Vous avez déjà l'ensemble des apports, voire un peu plus. Donc, si vous arrivez à tendre vers les 5 portions de fruits et légumes, vous avez sans problème vos apports en vitamine. C, vous n'avez pas besoin de compléments alimentaires. Il y a même des recherches. Qui montrent des interactions avec des médicaments qui peuvent être parfois délétères, ou encore des impacts sur le risque de maladies chroniques qui ne sont pas neutres. On a découvert, il y a quelques années, des impacts délétères du bêta-carotène en complément alimentaire à forte dose, notamment chez les fumeurs, qui, au lieu de protéger de certains cancers, augmentaient le risque de cancer, du poumon et du cancer de l'estomac. aussi. Donc, c'est vrai que là, On se méfie de ces produits-là et mieux vaut mettre notre argent et notre énergie dans l'alimentation plutôt que de se tourner vers ces produits.

La question des quantités et de l'équilibre alimentaire [39:13 - 41:26]

Jean-Charles Samuelian : Merci beaucoup de ce partage et de cet éclairage. Est-ce que vous regardez aussi, On a parlé un peu de la qualité, Il y a aussi le sujet des quantités, j'imagine. Et comment vous corrélez et quelles recommandations vous avez sur... La quantité de nourriture, est-ce Qu'on mange trop et comment gérer ça ?

Mathilde Touvier : C'est sûr que, notamment, quand on parle de l'impact de l'alimentation sur l'obésité, pour la partie qui est liée à notre alimentation, La balance énergétique entre nos apports et notre dépense physique est centrale. Et donc dans un contexte où on a cette offre pléthorique qui nous donne envie de manger. Des barres chocolatées, des hamburgers qui sont des bombes caloriques. Et où on a des professions, un style de vie de plus en plus sédentaire, Et puis, on aime bien regarder des séries avachies sur le canapé, toute la soirée, C'est sûr que la balance a été déséquilibrée, que ça contribue à l'épidémie d'obésité au niveau mondial. Donc oui, certainement, de rééquilibrer cette balance énergétique et de manger en fonction de nos besoins, C'est quelque chose qui est fondamental. La bonne nouvelle quand même en nutrition, c'est que déjà, il n'y a aucun aliment interdit. C'est-à-dire que tout est justement une histoire de quantité et de fréquence. On peut manger un bon gâteau au chocolat. Fait maison, on peut boire une boisson sucrée. Il n'y a pas de problème du moment que ce n'est pas des kilos ou des litres, matin, midi et soir, tout le temps. L'idée, c'est vraiment l'équilibre. Alimentaire. Et puis au quotidien, en ayant ce filtre là en tête, on arrive à équilibrer les choses, ce qui est important aussi. Donc, il ya tout un domaine de recherche sur les déterminants psychologique de nos comportements alimentaires. Une Sandrine Peynaud dans mon laboratoire à de très beaux travaux là dessus. Et montre que d'écouter justement ces signaux de faim et de satiété de manger en pleine conscience, donc, et pas devant la télévision. On s'aperçoit même plus de ce qu'on mange, et en plus, on a des publicités, permet d'avoir des... Des apports qui, en quantité et en qualité, sont meilleurs. Et d'avoir un impact, in fine, sur un risque moindre de maladies chroniques.

Le Nutri-Score : fonctionnement et impact [41:26 - 43:36]

Jean-Charles Samuelian : Merci de ce partage. Maintenant, si on creuse sur le Nutri-Score, est-ce que vous pouvez nous expliquer son fonctionnement et son impact espéré ou réel sur les choix des consommateurs ?

Mathilde Touvier : Oui, alors le Nutri-Score, l'idée, c'était de prendre les informations, les paramètres nutritionnels pour lesquels... On savait maintenant, de manière certaine, que ça avait un impact, soit positif, donc part de fruits et légumes, protéines ou fibres, ou, au contraire, plutôt à limiter, plutôt négatif, donc le côté calories, sucre, sel, graisse, saturée. Et puis de synthétiser cette information, qui est de manière obligatoire sur les emballages alimentaires. Si vous retournez le pack, vous avez le tableau de composition nutritionnelle. Mais franchement, qui fait ça ? Qui peut le lire ? Qui peut lire ça ? Qui prend ce temps-là quand on fait ses courses ? Merci. Et c'est aussi, c'est un vecteur. d'ailleurs, le fait de se baser uniquement là-dessus, d'inégalité sociale de santé. Parce que les personnes qui vont le faire, ce sont les personnes les plus éduquées, qui ont le temps, qui ont les moyens de prendre ce temps, de s'intéresser à ça. Donc l'idée, c'était d'avoir ce logo, cinq lettres, cinq couleurs, en face avant des emballages. Et comme ça, en un coup d'œil, on a la qualité nutritionnelle globale de l'aliment. Donc, on a créé ce logo-là, qui est rentré en France à partir de 2017. On a plus de 150 publications scientifiques maintenant qui montrent son utilité. Et quand je dis « on » , c'est un « on » collectif. On a déjà 50 publications de notre équipe, mais maintenant, La communauté internationale s'en est emparée. Il y a plein d'autres équipes qui montrent l'intérêt du Nutri-Score. À la fois des publications qui ont permis de valider l'algorithme, comment est-ce qu'on le calcule? Avec les points positifs pour les éléments à favoriser, Les points négatifs de l'autre côté, et qui montrent notamment le fait que manger mieux. Classé au Nutri-Score s'est associée à moins de mortalité prématurée, de cancers, de maladies cardiovasculaires et autres. Et puis, Il y a des études qui ont montré l'impact réel sur la compréhension, Le fait qu'on arrive mieux à classer. Quand on a le Nutri-Score, les aliments selon le profil nutritionnel et l'impact réel sur les achats. Donc, on a tous ces travaux-là qui font qu'aujourd'hui, Le Nutri-Score est utilisé par plus de 1400 marques en France et continue son chemin, y compris au niveau européen.

L'adoption du Nutri-Score en France et en Europe [43:36 - 44:59]

Jean-Charles Samuelian : Et est-ce qu'il est obligatoire de mettre un... Nutri-Score aujourd'hui, est-ce que c'est recommandé ? Combien de pays l'utilisent ? En gros, quelles sont les prochaines étapes ? Quels sont vos rêves en termes d'adoption? Plus large

Mathilde Touvier : Alors, voilà, notre rêve, c'est qu'il devienne obligatoire au niveau européen, puisque non, Il ne l'est pas à l'heure actuelle. Seuls les industriels qui le souhaitent l'imposent sur les marques. Donc, déjà, plus de 1 400, 1 500 marques en France, ce qui représente déjà plus de 60 % du marché, c'est déjà super. Mais évidemment, Il y a des marques qui ont un portefeuille de produits pas très bien classé, qui... Font un fort lobby anti-Nutri-Score au niveau français, au niveau européen, et qui ralentissent le processus. En France, les tic-tacs alimentaires se décident au niveau européen. Donc, c'est l'Europe qui va devoir décider si on peut, de manière obligatoire, Mettre le Nutri-Score sur les packs. Le lobby fait que la dynamique n'est pas toujours favorable, mais on continue dans cette dynamique-là. Il y a déjà six autres pays... À part la France, qui ont adopté le Nutri-Score. Il y en a d'autres, comme la Finlande, l'Autriche, qui réfléchissent encore. Donc ça continue là-dessus. Il y a vraiment un soutien très fort de la communauté scientifique, des associations de consommateurs, des professionnels de santé, médecins, diététiciens, etc., Qui soutiennent le Nutri-Score. Et donc, on est vraiment là, dans une bataille santé publique versus lobby et intérêt économique.

Comment utiliser le Nutri-Score en tant que consommateur [44:59 - 46:56]

Jean-Charles Samuelian : Et du coup, en tant que consommateur, comment vous... Recommander à une personne de juger du Nutri-Score. C'est juste regarder le résultat et comment guider les décisions grâce à ça.

Mathilde Touvier : Donc, les lettres plutôt A ou B, couleur plutôt verte, représentent les produits qui ont un profil nutritionnel le plus favorable. Et puis, inversement, les D, E, moins favorables. Et donc, comme je le disais tout à l'heure, l'idée, c'est pas d'aliments interdits. On peut complètement intégrer dans un régime alimentaire équilibré des produits Nutri-Score E. Si on n'en mange pas 1000 kilos par jour et à tous les repas. Mais donc, on équilibre en fonction de ça. Et puis, l'idée du Nutri-Score, l'intérêt, c'est qu'au sein d'un même rayon, il va permettre de comparer des produits comparables. Si vous êtes au rayon des céréales petit déjeuner ou des biscuits, par exemple, vous allez avoir des Nutri-Scores qui vont du A au E. Et ça, la première chose qu'on voit en rayon. S'il n'y a pas Nutri-Score, c'est vraiment plutôt le marketing, la naturalité, etc. Avec le Nutri-Score, ça permet de manière très objective d'avoir ce classement-là. Et d'intégrer ça dans le choix parmi d'autres paramètres. Et je précise aussi, le nutrisoir étant pas obligatoire, si vous voulez avoir l'information, Il y a une application gratuite qui s'appelle Open Food Facts, et qui permet, En scannant le code barre des aliments, d'avoir accès au Nutri-Score, le Nutri-Score Même avec son nouvel algorithme, Puisqu'il a été révisé cette année pour être encore plus performant et mieux pénaliser des produits qui étaient vraiment trop gras, trop sucrés, trop salés, ou bien pénaliser les édulcorants aussi, comme on a mentionné tout à l'heure. Et donc, ce nouvel algorithme, pour l'instant, On a des réticences, notamment du ministère de l'Agriculture. Là-dessus, On espère qu'elle fera le choix de la signature de cette de ce nouvel algorithme pour la santé des consommateurs. Et puis, grâce à l'application Open Food Facts, Vous avez le calcul du nouvel algorithme qui est donné, même s'il n'est pas encore sur les packs.

L'impact du Nutri-Score sur les fabricants [46:56 - 48:14]

Jean-Charles Samuelian : Excellent. Est-ce que vous avez vu des marques changer la composition de leurs produits suite à l'introduction du Nutri-Score ? Et est-ce que c'est une vertu positive aussi sur les marques et les producteurs ?

Mathilde Touvier : Oui, c'était vraiment l'idée aussi. c'est-à-dire que... Toujours pas mettre que la pression sur le consommateur, en lui disant, voilà, maintenant, vous savez ce qu'il faut faire pour bien manger, Il n'y a plus qu'à et débrouillez-vous. Parce que cet argument-là, c'est vraiment un argument, notamment de l'industrie du tabac, de l'alcool, souvent qui dit, Nos produits ne sont pas dangereux, c'est vous qui les consommez, pas avec modération. Donc, on a ces outils-là pour le public, Mais l'idée, c'était que le Nutri-Score puisse aussi faire évoluer en profondeur l'offre alimentaire. Et ça a été le cas, par des reformulations. Donc, Plusieurs marques ont en effet baissé. Merci. Des taux de sucre ou de sel dans les produits pour gagner en notes de Nutri-Score. Et puis, On a vu un impact sur les ventes. C'est-à-dire qu'il y a plusieurs données de scan au niveau français, au niveau espagnol, par exemple, qui montrent que depuis l'introduction du Nutri-Score, il y a eu une augmentation des ventes de produits A et un recul des ventes de produits D ou E. Et les distributeurs, la grande distribution, jouent un rôle aussi. Ils font parfois des promotions de produits pour le prix d'un, s'il y a un bon Nutri-Score, etc. Et donc, Toute cette dynamique fait qu'on transforme aussi Merci. L'offre alimentaire en profondeur.

Initiatives de santé publique complémentaires au Nutri-Score [48:14 - 50:08]

Jean-Charles Samuelian : C'est génial de voir le cercle vertueux en train de se créer. Et quelles sont les initiatives supplémentaires en termes de santé publique que vous aimeriez voir? émerger, qui pourraient être complémentaires au Nutri-Score et qui vous semblent importantes ou qui devraient arriver

Mathilde Touvier : Déjà, sur cette base du Nutri-Score, là, on en parle pour l'étiquetage, mais on pourrait... Alors, il faut qu'on arrive à l'étendre. C'est prévu, c'est dans les cartons, mais il faut le mettre en œuvre sur tous les produits. En vrac, sur la restauration collective, aussi, que dans tous les restos d'entreprise, Il y ait le Nutri-Score qui soit affiché sur les plats. Mais aussi, On pourrait s'en servir pour la régulation, notamment du marketing et de la publicité. Il y a une étude de Santé Publique France qui a montré que la grande majorité des publicités... Auxquelles étaient exposées nos enfants sont des publicités pour des produits de Nutri-Score D ou E. Donc, c'est quand même un grand problème. Et là, je parle que, encore une fois, plutôt de la télévision, les réseaux sociaux, les écrans qui sont ce que regardent maintenant? Les enfants sont très peu régulés. Et donc, on a une exposition massive à de la publicité pour des aliments qui sont vraiment défavorables à la santé. Donc, de pouvoir réguler cette publicité, ce marketing... Par rapport à la qualité nutritionnelle telle que scorée par le Nutri-Score, ce serait vraiment une avancée supplémentaire. On peut imaginer aussi une politique de fiscalité, à la fois incentive, Favoriser les produits bons pour la santé. J'évoquais aussi le coût des pesticides, les produits bio, C'est pareil. C'est bien de dire qu'il faut les manger pour la santé, mais s'ils ne sont pas accessibles économiquement, on ne risque pas d'avancer. Donc d'avoir une politique vraiment fiscale qui favorise ces aliments-là, bien classés au Nutri-Score, etc. Et qui, au contraire... Va pénaliser. Donc, Il y a déjà la taxe sur les boissons sucrées qui existe en France, qui pénalise aussi les boissons édulcorées. maintenant. Mais on pourrait imaginer indexer cette taxe sur le profil du Nutri-Score pour aller encore plus loin.

Le microbiote intestinal et son rôle dans la santé [50:08 - 53:08]

Jean-Charles Samuelian : Excellent. J'aimerais bien qu'on touche maintenant à un sujet dont on commence à beaucoup parler, Mais c'est dur de voir exactement où en est la recherche, qui est celui du microbiome ou microbiote. Je crois que vous avez une étude en ce moment avec 10 000 participants. Pourquoi est-ce que vous pensez que c'est un axe de recherche important Est-ce que vous pouvez définir d'ailleurs, ce que c'est Expliquez aux gens ce que c'est concrètement et quelles sont vos premières observations ?

Mathilde Touvier : Oui, Le rôle du microbiote intestinal fait vraiment couler beaucoup d'encre en recherche depuis ces dernières années, avec de forts espoirs, puisqu'on se dit que le microbiote, ce sont l'ensemble, notamment microbiote intestinal. Des micro-organismes, bactéries et autres qui peuplent notre intestin et qui jouent un rôle absolument fondamental pour notre santé. Ils vont permettre notamment de digérer certains des nutriments, des choses qu'on ingère, qui ne seraient pas du tout digérées s'ils n'étaient pas là. Donc, les fibres alimentaires, par exemple, J'évoquais qu'elles ont un rôle protecteur sur plein de maladies chroniques et qu'il faut en consommer. Sans le micro-gut alimentaire intestinal, notre organisme humain ne sait pas digérer ces éléments-là. Le microbiote va les digérer, produire des composés qui vont être protecteurs, anti-inflammatoires, Ils vont avoir tout un tas de rôles protecteurs. Quand notre microbiote est en bonne santé, nous le sommes également, En tout cas, c'est ce qu'on commence à montrer. Et quand, au contraire, il y a ce qu'on appelle des dysbioses, des dérégulations de ce microbiote, Ça peut avoir des impacts négatifs sur la santé. La bonne nouvelle, c'est qu'on peut agir sur la santé de notre microbiote, notamment par l'alimentation. On est en train d'étudier les liens entre cette alimentation, le microbiote et le risque de maladies chroniques et la santé. Et pour cela, dans Nutrinet, Santé, Nous avons lancé un volet. Qui s'appelle NutriGut, et pour lequel on collecte les sels des participants de l'étude Trinette Santé. Donc, c'est hyper facile, par La poste, Pas besoin de se déplacer, On envoie une enveloppe, Les personnes renvoient par la poste en mettant dans la boîte aux lettres, tout ça sécurisé, tout bien, tout propre, tout bien. Et on a une analyse avec l'équipe de Benoît Chassin, que j'évoquais tout à l'heure, et Mélanie Deschazeaux chez nous. Qui pilote ce volet-là, qui va permettre de regarder tout le spectre de bactéries et la manière dont elles fonctionnent. Et l'Association avec l'alimentation et la santé. Et notamment, J'évoquais tout à l'heure le domaine des additifs alimentaires. On s'aperçoit que certains émulsifiants, carmoximéticellulose ou bien des édulcorants jouent un rôle délétère sur le microbiote intestinal, vont par exemple permettre à des bactéries pathogènes, donc plutôt délétères, de se rapprocher dangereusement de la lumière intestinale, Chose qu'il n'y a pas, ou en tout cas, on a une... Couche de mucus protectrice lorsqu'on n'a pas ces expositions à certains additifs. Donc, tous ces travaux-là sont en cours à l'heure actuelle et vont donner de beaux résultats de recherche dans les années qui viennent.

Tests du microbiote et nutrition personnalisée [53:08 - 54:54]

Jean-Charles Samuelian : Et il y a beaucoup de start-up ou de sociétés qui se lancent sur les tests du microbiote et essayent de vous faire des plans de nutrition personnalisés. Vous pensez que c'est déjà de la recherche qui est mature ou que c'est encore très expérimental ? Et qu'est-ce que vous conseillez Quel conseil vous donneriez ? À nos auditeurs sur comment mieux se connaître pour mieux adapter leur nutrition. Est-ce qu'il y a des tests à faire sur le microbiote Parlez de l'impact génétique. Comment on se connaît mieux sur la partie personnelle de la nutrition

Mathilde Touvier : Alors, là, on est encore vraiment extrêmement prudent par rapport à tous ces tests. microbiote, puisque nous-mêmes, On est en train de faire la recherche pour savoir qu'est-ce qui impacte notre microbiote et comment est-ce qu'il impacte la santé. Les tests qui vont promettre, on vous fait une cartographie et puis on vous dit quelle maladie vous aurez, etc. On n'en est vraiment pas encore là. Donc, il faut vraiment être très prudent là-dessus. Mais je ne dis pas que dans 10, 15, 20 ans, Ce ne soit pas cette fois-ci opérationnel. Donc, ça fait vraiment partie des vraies pistes de recherche. Mais attention là, au charlatanisme, dans ce domaine, pour l'instant. Au niveau individuel... Il y a déjà un point qu'on peut faire en regardant les recommandations de santé publique alimentaire, voir un peu où on se situe. Si on est à une portion de fruits et légumes par jour, au lieu des cinq, c'est un bon diagnostic qu'on peut faire. Sur le site mangezbouger.fr. Il y a des tests aussi pour voir où on en est. Par rapport à son niveau d'activité physique, où est-ce qu'on en est. Sur le site de l'INCA, l'Institut national du Cancer, Il y a un test pour savoir aussi, par rapport à l'ensemble des facteurs de risque modifiables connus de cancer. Où est-ce qu'on se situe et est-ce qu'on est plutôt dans le favorable ou, au contraire, qu'il faut corriger certains aspects. Donc, il y a pas mal de tests comme ça, déjà au niveau individuel, par rapport aux recommandations connues qui permettent de se situer.

L'évolution future des recommandations nutritionnelles [54:54 - 56:50]

Jean-Charles Samuelian : Et du coup, Comment voyez-vous l'évolution des différentes recommandations nutritionnelles dans les années à venir ? On a mentionné quelques-uns des sujets de recherche. Est-ce qu'il y en a d'autres que vous voyez et quelles sont vos intuitions, même si elles ne sont pas encore prouvées, sur le futur des recommandations

Mathilde Touvier : Donc, là, Ces questions-là tombent très bien, puisque le programme National Nutrition santé, qui a été au départ lancé en 2001, est régulièrement révisé. Et donc, là, On est en train de terminer le PNNS 4 pour réfléchir au 5. Et donc, on se pose. La question, justement, de qu'est-ce qu'on va pouvoir ajouter par rapport à la recherche qui a avancé. Donc, très certainement, Un peu plus d'accent sur l'aspect ultra-transformation, additifs alimentaires, Avec des preuves qui se sont encore densifiées ces dernières années, pour dire de limiter tout ça. Le côté favoriser le bio ou autre mode de production, qui permet de limiter l'exposition aux résidus de pesticides, C'est des choses qui devraient être renforcées. L'aspect durabilité aussi de l'alimentation, parce que là, on parle depuis le début de l'impact sur notre santé directe, Mais l'impact que nos systèmes alimentaires ont sur l'environnement est absolument majeur, avec notamment un impact... important, délétère de tout ce qui va être viande rouge, notamment et charcuterie. Et donc, dans une optique, là aussi, de co-bénéfice individu-planète, Des recommandations qui sont encore plus vers le fait de limiter les produits. animaux, viande rouge, charcuterie, de favoriser les protéines végétales, etc. C'est très certainement aussi une direction vers laquelle il faut accentuer les choses pour la suite des recommandations. Et puis, après, quand on va avancer sur les rythmes circadiens, heure de repas, etc. On va pouvoir aussi mettre des nouvelles recommandations sur le côté plus qualitatif. Pareil, le côté manger en pleine conscience. Ce sont des choses qui, dans certains pays, font déjà partie des recommandations. En France, Ce serait bien qu'on passe aussi un cap pour aller dans cette direction.

Les pays en avance sur les recommandations nutritionnelles [56:50 - 58:01]

Jean-Charles Samuelian : Et quels sont, selon vous, les pays qui sont les plus avancés sur ces recommandations nutritionnelles ? Quels sont les pays qui vous inspirent ou dont on devrait s'inspirer ou regarder le travail qui est fait

Mathilde Touvier : Sans être chauvine, je pense qu'on est quand même pas mal en France. On a déjà vraiment pas mal avancé là-dessus. On est dans une très bonne dynamique avec nos collègues au niveau brésilien. Et d'autres pays d'Amérique latine qui ont été parmi les premiers à mettre des recommandations sur le côté. Pas trop d'aliments ultra transformés, etc. Il y a des pays, aux États-Unis, C'est pas du tout encore dans les recommandations. Au Royaume-Uni, ça n'est pas non plus. Alors, j'étais auditionnée l'année dernière, Il y a eu une grosse commission d'enquête par la Chambre des Lordes, qui commence à... À être bien sensibilisés à cette question pour améliorer la politique là-dessus au Royaume-Uni. Mais il y a quand même des pays qui sont vraiment à la traîne et qui sont pourtant des pays développés, riches, etc. Mais avec un fort lobby agro-industriel qui a peut-être Ralenti aussi les recommandations. Donc, non, On a des recommandations qui sont vraiment à la pointe au niveau français et qui sont vraiment révisées de manière assez régulière. Pour intégrer les dernières connaissances. Et heureusement, Quelques pays dans le monde sont aussi leaders dans ce domaine-là.

Message final sur la nutrition et la santé [58:01 - 59:43]

Jean-Charles Samuelian : Excellent. Et peut-être pour conclure, est-ce Qu'il y a un autre message que vous aimeriez faire passer à nos auditeurs, sur la nutrition et les recommandations que vous aimeriez porter encore ?

Mathilde Touvier : Alors, plein de messages, mais finalement, L'idée au quotidien, d'un point de vue pratique, c'est d'essayer d'avoir cette vision en plusieurs dimensions de l'impact sur la santé des aliments. Donc la dimension nutritionnelle, donc pas trop gras, sucré, salé, des fibres, etc. Pour ça, en cédant du Nutri-Score. Guide là-dessus et de l'application au pâteau de fax quand il n'est pas sur les packs. Première dimension, la dimension essayer pas trop ultra, transformée. Nous, On a proposé un logo Nutri-Score avec cette information en plus. Il est à l'étude par les pouvoirs publics à l'heure actuelle. En attendant, on va essayer de regarder un petit peu avec un oeil critique la liste d'ingrédients pour limiter ces aliments-là. Essayer de prendre des aliments plutôt bio, avec moins de résidus de pesticides. Donc ça, c'est les... Les réflexes qu'on peut essayer d'avoir au quotidien pour améliorer sa santé. Pas dans la culpabilisation, s'écouter en termes de faim, de satiété, Et se dire que la plupart de ce dont on parle là, comme relation, nutrition, santé, c'est des relations dose-réponse. Donc, quand on part de zéro en termes de fruits et légumes, ou bien d'une portion par jour, et qu'on va ajouter une portion, On a déjà un bénéfice sur la santé. Et plus on va en ajouter, plus on en aura. Et donc... Sans se culpabiliser, en se disant déjà, je vais essayer de faire un petit effort et d'aller dans la bonne direction, Il y aura de toute façon déjà un bénéfice. Donc, voilà tous ces éléments-là, regardez le site mangezbouger.fr, ça donne des idées, ça rappelle les recommandations et puis on fait du mieux qu'on peut dans cette direction-là.

Conclusion [59:43 - 61:20]

Jean-Charles Samuelian : Mathilde, Je vous remercie infiniment d'avoir partagé votre expertise et votre vision avec nous aujourd'hui, Mais plus que le fait de l'avoir partagé de construire, en fait, ces outils de politique. Public qui aide à guider chacun des citoyens dans leur nutrition. C'est un sujet extrêmement important et fondamental de la prévention des maladies chroniques. On a vu les corrélations avec des paramètres, en effet, qui sont complexes, avec une histoire où les recommandations ont évolué dans le temps. Avec notre connaissance et donc des enjeux pour les citoyens et les consommateurs. De savoir quelle bonne intuition, Enfin, quelle bonne information suivre. Dans un monde qui est complexe et où ils sont bombardés d'informations. Donc merci d'avoir créé ces outils, comme le Nutri-Score. En tout cas, chez Alan, Nous partageons cette vision d'une société où vivre mieux est plus simple, plus accessible à tous. Et donc ces outils sont extraordinaires. À nos auditeurs, J'espère que cet épisode vous a permis de mieux comprendre l'importance de la nutrition pour votre santé. Et vous a donné des pistes concrètes pour améliorer votre alimentation ou pour contribuer à la recherche de demain. C'est important, on a vu... À quel point la recherche courait après les innovations et, du coup, Participer et contribuer sera important. Si vous avez trouvé cette conversation utile, n'hésitez pas à la partager avec d'autres personnes qui pourraient en bénéficier ou sur les réseaux sociaux. Et assurez-vous de vous abonner au podcast pour ne pas manquer les prochains épisodes. Nous avons une liste d'inconvénients. D'invités incroyables dans Health sur Humanity. D'ici là, prenez soin de vous et rappelez-vous, Chaque petite action du quotidien peut avoir un impact très fort sur votre longévité sans culpabilisation. Merci, beaucoup.

Mathilde Touvier : Merci.

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Publié le 30/04/2025

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