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Entreprise et santé au futur

Caroline Chavier : "À 50 ans, une femme est au top de sa performance"

Nous sommes allés à la rencontre de Caroline Chavier, femme engagée et PDG de The Allyance, société de recrutement spécialisée dans la tech et la diversité afin de briser le silence sur un tabou : la ménopause en entreprise.

Caroline Chavier : "À 50 ans, une femme est au top de sa performance"
Mis à jour le
5 janvier 2024
Études
Mis à jour le
5 janvier 2024
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Dans cet article

Bonjour Caroline ! Nous savons que vous faites des audits de diversité dans les entreprises, certains sont-ils consacrés à la ménopause ?

Caroline Chavier : Aucun. C’est pour cela que je voulais prendre la parole aujourd’hui, le silence sur ce sujet est regrettable et a une incidence sur la capacité des femmes à se sentir bien au travail, ce qui a donc des répercussions sur leur performance et sur celles de l’entreprise.

L’idée, en en parlant n’est pas de pointer du doigt les femmes ménopausées mais de les aider. Or personne ne s’y intéresse. Ni les syndicats, ni les instances politiques, ni même la médecine du travail ne se sont saisis de ces sujets. Cela est choquant. Et l’Afem (Association française pour l’étude de la ménopause) n’a produit aucun guide, aucun document pour aider les entreprises à garantir aux femmes concernées un environnement au travail adapté.

Pourtant, le Forum Économique Mondial a fait le lien entre mixité́ générationnelle et performance économique. À ce jour, toutes les études, toutes les initiatives viennent de l’étranger, Grande Bretagne et Canada en tête. En Angleterre, la chaine audiovisuelle Channel 4 a sensibilisé l’ensemble de ses collaborateurs à la ménopause, et a adopté́ des horaires, des congés plus flexibles et mis en place l’accès à̀ des espaces de repos aux femmes ménopausées. En France, on attend encore. Il ne faut pas laisser les autres pays être les seuls à̀ s’emparer de ce sujet.

Comment défendre et valoriser l’adaptation au changement quand on ne s’en montre pas capable en pratique auprès de ses employées ?

Comment expliquez-vous ce retard français ?

C.C : C’est un phénomène général : tout ce qui touche à la santé au travail dans l’Hexagone est tabou.

Prenez le congé menstruel (qui consiste à̀ accorder 24h minimum de congés aux femmes sujettes aux règles douloureuses sans justificatif ni perte de salaire, ndlr), il est devenu normal en Italie. En France, une seule société, La Collective, une coopérative montpelliéraine, l’accorde à ses salariées depuis le premier janvier 2021.

De la même façon, les absences d’une femme atteinte d’un cancer qui doit suivre une chimiothérapie ne devraient pas être un problème pour l’entreprise qui l’emploie. J’ai en tête l’exemple d’une DRH, après qu’elle ait annoncé son cancer du sein, son entreprise a adapté́ son emploi du temps et son équipe s’est réorganisée pour la période de son traitement.

Cela ne devrait pas rester exceptionnel, mais se mettre facilement en place partout. On a encore l’impression que s’adapter à̀ ces cas, leur permettre de se reposer, c’est leur faire une faveur, alors que c’est leur offrir les meilleures chances d’être performantes et de casser la baraque !

L’important n’est pas de savoir comment le travail est fait, mais qu’il soit réalisé.

On a encore l’impression que s’adapter à̀ ces cas, leur permettre de se reposer, c’est leur faire une faveur, alors que c’est leur offrir les meilleures chances d’être performantes et de casser la baraque !

Mais comment changer cette mentalité ?

C.C : C’est aux entreprises de mener l’effort de sensibilisation à la ménopause. Elles n’osent peut-être pas de peur de rendre les femmes vulnérables, de les stigmatiser. Mais si vous êtes une femme ménopausée, il est difficile d’aborder le sujet vous-même. Or il y a de grandes chances que votre manager soit un homme et qu’il ne comprenne pas.

C’est donc à l’entreprise de prendre les devants. Si nous avions des exemples concrets de procédures RH nous pourrions nous en inspirer. Mais en ne faisant rien pour les salariées ménopausées, les entreprises risquent de perdre ces salariées. C’est un enjeu stratégique.

Pourquoi ?

C.C : D’abord parce que si une entreprise n’est pas capable d’accompagner les employées qui vivent des changements, comment peut-elle elle-même, faire face aux évolutions diverses auxquelles elle peut être confrontée ? Comment défendre et valoriser l’adaptation au changement quand on ne s’en montre pas capable en pratique auprès de ses employées ?

Et puis une entreprise se doit de garantir les meilleures conditions de travail à tous et à toutes, y compris à ses salarié.e.s entre 45 et 50 ans. Si ces femmes-là̀ partent, l’entreprise non seulement ne remplit pas cette mission mais en plus elle perd en expériences et en compétences clefs voire rares. Perdre des talents, notamment des femmes convoitées, car moins nombreuses et plus recherchées, c’est devoir recruter pour les remplacer. Et cela a un coût. Les entreprises ont donc tout intérêt à se pencher sur ce sujet.

Perdre des talents, notamment des femmes convoitées, car moins nombreuses et plus recherchées, c’est devoir recruter pour les remplacer. Et cela a un coût.

Les recruteurs semblent pourtant rétifs à recruter (ou à̀ garder) des femmes à l’âge de la ménopause...

C.C : C’est avant tout un problème systémique. Les femmes se trouvent à l’intersection de deux discriminations : l’âge et le genre.

Dans la Tech, je remarque que les start up recrutent trop peu de personnes de plus de 45 ans, c’est une erreur stratégique. Leur crainte s’explique souvent par un biais cognitif associé avec l’âge. Les employeurs s’imaginent des personnes nonchalantes, manquant d’énergie, moins performantes et exigeant des rémunérations élevées.

C’est triste car certaines sont en reconversion et pas forcément en demande de salaires de seniors. Celles qui sont chères ont sans doute des profils recherchés, or la rareté se paie. Souvent les seniors, pas uniquement les femmes, finissent par créer leur propre emploi en se mettant à leur compte. Les sociétés réfléchissent à l’envers.

Quels sont les atouts de ces profils ?

C.C : Ces femmes de plus de 45 ans ont multiplié les expériences, fait face à davantage d’obstacles que les plus jeunes. Elles ont su s’adapter à de plus nombreuses situations, ont suivi plus de produits. Elles ont une quantité de connaissances à transmettre. Cette expérience, cette agilité permet à̀ une entreprise de rester compétitive. À 45 ans, on est loin d’être obsolète, on est au top de sa performance. Ces recrues apportent à une équipe plus de sérénité, d’analyse, de réponses structurées, moins réactives et dans l’immédiateté. La mixité ne se réduit pas à un index femmes/hommes, c’est aussi une question d'âge. En se contentant de juniors ou de seniors tout au long de la pyramide hiérarchique, les entreprises se privent de quelque chose.

À 45 ans, on est loin d’être obsolète, on est au top de sa performance.

Les entreprises auraient donc tout intérêt à s’intéresser de près à ces femmes et à la ménopause ?

C.C : Elles ont tout à gagner à être novatrices sur ce sujet, à se positionner et à devenir une référence dans leur domaine. Elles enverraient un signal positif fort. Celui d’entreprises où l’on parle de tout: de la ménopause, des congés menstruels, de la flexibilité horaire, d’excellentes conditions de travail... Cette ouverture d’esprit et cette flexibilité sont bénéfiques pour l’ensemble des salarié.e.s. C’est un enjeu économique aussi bien qu’éthique.

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Publié le 06/05/2022

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