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      “Être une entreprise à mission, c’est imprégner chaque décision d’une philosophie très forte, quitte à casser les codes” avec Laetitia Amoros (BDO)

      “Être une entreprise à mission, c’est imprégner chaque décision d’une philosophie très forte, quitte à casser les codes” avec Laetitia Amoros (BDO)
      Avec
      Aurelie Fliedel
      Aurelie FliedelChief marketing officer
      Mis à jour le
      3 avril 2024
      Avec
      Aurelie Fliedel
      Aurelie FliedelChief marketing officer
      Mis à jour le
      3 avril 2024
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      Forte d’une carrière d’une vingtaine d’années dans les RH, Laetitia Amoros est aujourd’hui DRH France de BDO, l’un des plus importants cabinets d’audit, de conseil et d’expertise comptable au monde. Il compte 2 000 associés et collaborateurs en France  Dans cette interview, elle nous fait part des valeurs profondes de BDO, qui font de la société une entreprise à mission. Cette approche, allant bien au-delà d'un simple titre, implique des actions concrètes sur bien des sujets, qu’il s’agisse de bien-être au travail, de santé mentale, d'équilibre pro / perso, de diversité, d’accompagnement individualisé, d’IA ou de responsabilité environnementale.

      Entreprise à mission : “L’entreprise a une obligation de résultat, ce qui change tout !”

      Aurélie Fliedel : Bonjour Laetitia ! Avec une expérience de plusieurs années dans les RH, vous avez très probablement dû observer des constantes dans ce secteur… Pour commencer, j’aimerais donc savoir si vous pouvez, après toutes ces années, dire s’il existe une essence même du métier de RH, qui demeure invariable à travers les différentes évolutions du monde du travail ?

      Laetitia Amoros : On commence avec une question très “deep” ! (rire) Je dirais qu’après avoir exploré divers aspects des RH, de leur cadre juridique à leur application concrète, il y a une vérité universelle s'impose : quelle que soit l’activité de l’entreprise, les problématiques humaines restent partout les mêmes. Un secteur n’a par exemple pas plus d’enjeux sur le bien-être au travail que d’autres. C’est vraiment quelque chose qui m’a marqué dans mon parcours.  Le sujet du bien-être au travail a véritablement émergé depuis la crise COVID-19, les collaborateurs et candidats sont plus que jamais attentifs à cet enjeu, mais il ne s’agit pas d’un nouveau phénomène de société. Ces problématiques de santé mentale au travail ont toujours existé — même s’il est vrai qu’elles ont été rendues plus visibles ces dernières années. 

      A.F : Même s’il est dur de dire qu’elle est généralisée, on peut constater une prise de conscience des entreprises sur ce sujet de “bien-être au travail”. Avez-vous mis en place des actions inédites chez BDO pour répondre à cet enjeu ?

      L.A : BDO a pris ce sujet très au sérieux, jusqu’à devenir le premier cabinet de conseil à adopter le statut d’entreprise à mission. Il s'agit d’une prise de position assez inédite dans le milieu des cabinets de conseil ! On pourrait penser que ce n’est qu’un titre, mais cela va bien plus loin que ça.  C’est d’ailleurs l’une des raisons qui m’a poussée à rejoindre l’entreprise en tant que DRH en 2022. 

      A.F : Devenir une entreprise à mission, concrètement cela signifie quoi chez BDO ? 

      L.A : Cela signifie que c’est notre philosophie globale et notre « raison d’être », qui imprègne nos décisions en matière RH. Par exemple, dans nos différentes actions, nous réfléchissons beaucoup au sujet de l’équilibre pro - perso, et lors de périodes spécifiques (comme lors des clôtures fiscales par exemple), notre secteur connaît des pics de travail très intenses, ce qui impacte la vie de nos collaborateurs. Nous faisons donc attention à moduler leur temps de travail. Ils doivent avoir de vrais moments de respiration dans l’année, après des périodes chargées et stressantes. Cette soupape de décompression est indispensable — nous devons être à l’écoute de nos collaborateurs afin de les préserver, car ils sont en quelque sorte notre matière première ! Et dans cette même logique, nous avons récemment revu notre charte de télétravail : elle propose maintenant jusqu’à 4 jours de télétravail par semaine aux collaborateurs qui le souhaitent. 

      Il s'agit d’une prise de position assez inédite dans le milieu des cabinets de conseil ! On pourrait penser que ce n’est qu’un titre, mais cela va bien plus loin que ça. 

      Recrutement : “C’est à nous de nous adapter aux candidats, pas l’inverse.”

      A.F : J’imagine que la question du ROI est omniprésente. Ces actions sur le bien-être au travail vous aident-elles à recruter au final ?

      L.A : Oui, cela a un impact visible. Depuis quelques années, les candidats recherchent des entreprises qui leur correspondent, autant d’un point de vue professionnel que personnel. Et c’est assez nouveau ! Ils ne se contentent plus de belles campagnes de communication RSE. Les missions des entreprises qu’ils rejoignent doivent aussi s’accorder avec leurs engagements personnels, qu’ils soient sociétaux et/ou environnementaux. Ils doivent retrouver leurs convictions dans la culture de l’organisation.

      Pour répondre à cette aspiration, nous avons donc pris des engagements forts en matière de diversité et d’inclusion. En effet, comme d’autres secteurs, les cabinets de conseil ont une image stéréotypée car, pendant longtemps, ils ont recruté des profils très similaires. Nous avons par exemple revu nos dispositifs et tests d’embauche, en mettant davantage en valeur les soft skills des candidats. Cela nous permet de vérifier chez eux la présence de valeurs qui nous sont chères car nous cherchons des personnes qui les comprennent et les incarnent.

      A.F. : Et avez-vous mis en place d’autres démarches pour favoriser plus de diversité dans le recrutement de BDO ?

      L.A : Oui, nous avons également développé deux approches universitaires certifiantes. La première, lancée il y a un an et demi, consiste à former des personnes en reconversion au métier de gestionnaire de paye. Ainsi, à la prochaine rentrée, nous allons créer notre propre école interne pour accompagner des jeunes d’abord, puis des personnes en reconversion, vers les métiers de l’expertise comptable. Nous cherchons aussi à supprimer au maximum tous nos biais cognitifs. Anonymiser tous les CV que nous recevons est par exemple une évidence pour nous. 

      Toutes ces actions nous différencient des cabinets historiques. Il s’agit d’une approche innovante, voire disruptive, pour notre secteur, ce qui plaît à une population jeune et en quête de sens. Leurs valeurs et critères de recherche d’emploi ont en effet fortement évolué par rapport aux générations précédentes. Nos actions en faveur de l’environnement sont également très bien reçues, car l’écologie est devenue un critère de sélection pour les candidats. 

      Bien-être au travail : “Le bien-être au travail passe par le collectif, mais aussi par un accompagnement individualisé.”

      A.F : En travaillant sur votre politique de bien-être au travail, à quelles difficultés avez-vous été confrontée ?

      L.A : Je pense qu’il ne faut pas oublier que les dispositifs en matière de bien-être ne conviennent pas à tout le monde. Prenons l’exemple du télétravail. Pour certains collaborateurs, il est source d’épanouissement, mais il peut aussi générer beaucoup de stress pour d’autres salariés. Je l’ai observé en tant que DRH et en échangeant avec des pairs.

      Les salariés réagissent très différemment face à une même situation. Il faut donc être très vigilant à l’impact des dispositifs collectifs sur les individus. Le bien-être au travail passe par le collectif, mais aussi par un accompagnement individualisé. C’est pourquoi il faut toujours être à l’écoute. Chez BDO, nous avons mis en place des enquêtes de satisfaction et un service d’écoute psychologique pour nos collaborateurs. Il est également très important de former nos managers sur ce sujet.

      Depuis quelques années, les candidats recherchent des entreprises qui leur correspondent, autant d’un point de vue professionnel que personnel. [...] Ils ne se contentent plus de belles campagnes de communication RSE.

      A.F : Les managers sont des relais clés dans les politiques RH. Comment travaillez-vous avec eux ?

      L.A : Nous les avons formés, mais je pense que nous pouvons aller encore plus loin. Pour qu’ils puissent bien accompagner leurs collaborateurs, ils doivent être sensibilisés à la gestion de leur propre santé mentale et de leur stress. En effet, pour qu’une politique de bien-être au travail soit vraiment efficace, je pense qu’elle doit traverser toutes les strates de l’entreprise (direction comprise). 

      Tous les collaborateurs doivent être sensibilisés et pouvoir être accompagnés de façon personnalisée si besoin (coaching, sensibilisation, service d’écoute psychologique…). 

      IA : “L’enjeu principal est d’intégrer et d’encadrer ce nouvel outil”

      A.F : Comment abordez-vous l’IA et ses bouleversements chez BDO ? 

      L.A : Comme pour beaucoup d’entreprises, c’est un sujet auquel nous réfléchissons beaucoup. Nous sommes en pleine réflexion sur les mutations que peut apporter l’IA en termes de réduction de la charge de travail et du stress. 

      Pour nous RH, l’enjeu principal est d’intégrer et d’encadrer ce nouvel outil. Il faut trouver l’équilibre entre IA et réflexion humaine, qui reste évidemment indispensable. Nous cherchons pour quels usages l’IA peut nous servir en travaillant avec chaque direction métier. Par exemple, pour mes équipes, l’IA peut être très utile pour préqualifier les CVs car c’est une tâche très chronophage. À la place, les équipes pourraient consacrer plus de temps à des sujets à forte valeur ajoutée. Nous réfléchissons donc à automatiser ce processus avec l’IA afin de soulager les équipes, sans perdre en qualité.

      Cela résume bien notre vision de l’IA : elle doit être intégrée au quotidien de nos collaborateurs pour leur permettre de consacrer plus de temps aux projets stratégiques. Cependant, en tant qu’entreprise, nous devons aussi veiller à bien encadrer l’IA. Elle doit rester un outil et ne pas outrepasser la réflexion humaine. Il faut donc avancer étape par étape. Sans cela, on risque de perdre l’efficience d’un outil aussi puissant.

      Publié le 02/04/2024

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