L'engagement des collaborateurs est au cœur de la culture de Too Good To Go, une entreprise luttant contre le gaspillage alimentaire dans 17 pays. Marianne Urmès, Head of People and Culture de l'entreprise, nous explique dans cet entretien comment Too Good To Go travaille à la fidélisation des collaborateurs, notamment grâce à cet engagement très fort de l’entreprise via de multiples actions. Elle détaille également la formation proposée aux collaborateurs, l’importance du feedback et la manière dont l’organisation maintient sa culture tout en se développant.
Marianne Urmès : Je suis arrivée aux Ressources Humaines “sur le tard”, après avoir exploré différents secteurs et métiers. J’ai notamment travaillé dans la musique, au sein d’ambassades, dans le secteur de l’audit et dans des start-up.
J’ai choisi de travailler dans les RH par conviction. J’ai eu l’occasion d’accompagner des RH et managers sur leurs problématiques de management, cela m’a donné envie de sauter le pas. Après avoir été DRH France de Too Good To Go, une scale-up qui compte 150 personnes en France, je coordonne les RH au sein de 4 pays du groupe.
M.U : En travaillant chez The Boson Project, j’ai eu la chance d’accompagner des CEO et DRH passionnants sur des problématiques d’engagement et de leadership. Cela m’a confrontée à beaucoup de situations et ce fut très inspirant d’accompagner ces personnes prêtes à faire bouger les choses pour leur équipe. Je pense aussi à ma formation au coaching. Cela a représenté un vrai pivot dans mon approche des RH et dans l’accompagnement des managers. Je préfère mettre à disposition des managers des outils et des ressources pour qu’ils puissent résoudre leurs difficultés de manière plus autonome. Cela m’a aidée à prendre du recul sur l’opérationnel pour travailler sur des projets qui ont un impact à long terme.
Nous recrutons des personnes engagées, que notre mission fait vibrer. Forcément, cela donne naissance à un certain principe de proportionnalité : plus les salariés sont engagés, plus l’employeur doit être à la hauteur de cet engagement.
M.U : Too Good To Go est une entreprise à impact qui a pour mission de lutter contre le gaspillage alimentaire. On retrouve cet engagement au sein même de notre principal KPI d’entreprise, notre étoile polaire : le nombre de paniers sauvés.
Nous avons sauvé 250 millions de paniers depuis notre création, dont 65 millions rien qu'en France. Même si cela reste une goutte d’eau à l’échelle mondiale (40 % de ce qui est produit aujourd’hui part à la poubelle), notre mission est porteuse de sens. Elle est d’ailleurs particulièrement d’actualité dans un contexte de grande précarité alimentaire, d’inflation et de crise écologique. Nous recrutons des personnes engagées, que notre mission fait vibrer. Forcément, cela donne naissance à un certain principe de proportionnalité : plus les salariés sont engagés, plus l’employeur doit être à la hauteur de cet engagement.
M.U : Cela passe par exemple par l’obtention du label B-Corp, un label que je trouve intéressant car contraignant. Il labellise de façon exigeante les entreprises qui mettent l’impact au centre de leur modèle. Nous devons le renouveler tous les 3 ans en montrant des résultats tangibles et évolutifs qui nous poussent à toujours nous améliorer.
Au quotidien, nous organisons des événements pour nos collaborateurs, en invitant par exemple des personnes inspirantes extérieures à l’entreprise et de tous horizons (des politiques comme Guillaume Garot ou Brune Poirson, des entrepreneurs comme les fondateurs et cofondateurs de Brut, Mollow, Lemon Tri, 900.care… ou encore des journalistes et militants comme Rokhaya Diallo ou Morgane Dion). Nous commençons également toutes nos semaines avec une “Green Story”, un partage de bonnes nouvelles sur des enjeux environnementaux. Nous animons des débats sur des questions écologiques et alimentaires. Deux personnes dans l’entreprise sont d’ailleurs dédiées à ces animations en interne. Leur rôle est aussi de partager des articles et ressources à nos collaborateurs sur ces sujets, notamment via un channel Slack dédié.
Aussi, nous tenons à “donner du temps” à d’autres communautés. Par exemple, nous permettons à nos collaborateurs de consacrer une journée à la collecte nationale des Banques Alimentaires. L’entreprise offre également jusqu’à 3 jours de travail aux collaborateurs qui s’engagent durant leur temps personnel à des sujets liés à la précarité alimentaire, notre sujet de cœur. C’est tout cela qui fait sens pour nos collaborateurs : nous les nourrissons sur des sujets écologiques et liés à l’alimentation et leur permettons de s’engager très concrètement.
M.U : Oui, c’est d’ailleurs très important pour l’engagement général des collaborateurs car les managers en sont le relais principal. Ils sont clés dans l’équation. Nous accompagnons nos managers avec un dispositif complet. Nous partons du principe que 70 % de nos savoirs viennent de l’expérience directe, 20 % des interactions avec des pairs et 10 % de la formation “classique”. En plus de formations “classiques” sur le management, nous leur proposons donc des sessions de co-développement avec d’autres managers de l’entreprise et qui répondent donc aux “20%”. Le fait de se nourrir de l’expérience des autres managers leur permet de mieux appréhender des situations auxquelles ils pourraient faire face dans leur quotidien.
J’aime beaucoup cette idée notion d’accompagnement pluriel, d’avoir plusieurs relais. Manager est très difficile et convoque beaucoup d’opposés : l’individuel et le collectif, la performance et l’humain, l’opérationnel et le stratégique… Le système de mentoring que nous avons également aussi mis en place est aussi très utile car il permet d’acquérir un autre regard, parfois différent de celui de son propre N+1. Il est en effet parfois nécessaire de challenger les visions.
J’aime beaucoup cette idée notion d’accompagnement pluriel, d’avoir plusieurs relais. Manager est très difficile et convoque beaucoup d’opposés : l’individuel et le collectif, la performance et l’humain, l’opérationnel et le stratégique…
M.U : Oui ! Nous leur proposons des formations par métier, pour qu’ils progressent dans leur champ de compétences, mais pas uniquement. Nous organisons aussi beaucoup de formations liées à nos thématiques : gaspillage alimentaire, Fresque du Climat, diversité, inclusion… C’est primordial car, en ayant ces connaissances, ils seront plus convaincants et engageants à leur tour. Nous avons aussi créé une académie interne pour les former à certaines compétences transversales, comme la gestion de projet par exemple, et à des "soft-skills" comme l'éloquence, la prise de parole en public, l’écoute active. Ce sont des experts en interne qui forment d’autres collaborateurs de l’entreprise.
M.U : Nos collaborateurs sont convaincus par notre mission… Tout l’enjeu est qu’ils soient convaincants à leur tour ! Ils doivent être à l’aise pour porter nos sujets. La question n’est pas tant d’être éloquent, mais d’être solide sur ses arguments et des données chiffrées. Nos équipes peuvent par exemple se retrouver face à des personnes climatosceptiques mettant à mal leur argumentaire. Pour les former, un comédien vient dans nos locaux et leur apprend des techniques d’argumentation et de gestion des émotions. Nous travaillons aussi beaucoup sur la notion d’écoute. Sans écoute des réticences d’un interlocuteur, il est impossible d’avoir les bons arguments et d’être entendu. Toutes ces formations sont importantes pour équiper nos collaborateurs, également sur un plan personnel. Je pense vraiment que tout est lié. Nos collaborateurs disent souvent que leur engagement personnel s’est développé grâce à Too Good To Go.
M.U : C’est une grande question : comment conserver les spécificités locales tout en étant cohérent au niveau global ? La formation des managers est un bon exemple. Nous avons créé un socle commun, mais qui laisse de la place à des initiatives locales. Aujourd’hui, nous avons un bon équilibre entre autonomie des personnes et cohérence d’entreprise. Pour “scaler”, il a aussi été important de redéfinir nos valeurs. Nous avons ressenti le besoin de les revisiter pour qu’il n’y ait pas d’incohérences entre la politique globale de l’entreprise et la réalité du terrain dans nos différents pays.
M.U : Nous avons organisé des ateliers avec tous les collaborateurs. Nous avons échangé, en nous appuyant sur des cartes décrivant des situations durant lesquelles nos valeurs pouvaient être mises en difficultés. Des comportements ont été précisés et nous nous sommes "réapproprié" nos valeurs. Pour progresser de façon continue, nous établissons aussi régulièrement des baromètres pour prendre le pouls. La majorité de nos plans “People & Culture” en est d’ailleurs issue. Par exemple, dans l’un de nos derniers baromètres, des sujets autour de la collaboration et de l’évitement des silos ont émergé. Nous avons donc beaucoup travaillé dessus ces derniers mois.
Pour des collaborateurs aussi engagés que les nôtres, nous devons mener un vrai travail de fourmi en explicitant l’impact de chaque rôle
M.U : Oui, le sujet du turn-over en est un. Cependant, on voit que beaucoup de nos anciens collaborateurs ont, après Too Good To Go, monté d’autres projets à impact. Notre entreprise a développé leur engagement et je vois cela comme un point très positif ! Pour des collaborateurs aussi engagés que les nôtres, nous devons mener un vrai travail de fourmi en explicitant l’impact de chaque rôle. Il faut aussi s’assurer que chacun puisse s’exprimer et se former à des sujets qui nous sont chers. Nous savons aussi que certaines étapes sont incontournables pour toute entreprise qui “scale”, sans que cela soit forcément directement relié à Too Good To Go.
M.U : Je pense par exemple aux premiers salariés de l’entreprise qui étaient des entrepreneurs dans l’âme. Ils ont construit l’entreprise, en étant très responsabilisés et engagés. Forcément, quand l’entreprise grandit, les rôles se spécialisent et les responsabilités se clarifient, ce qui peut ne pas convenir à certains. Certains profils, clés au début de l’entreprise, étaient moins alignés avec Too Good To Go au fur et à mesure de sa croissance.
Dans les autres étapes incontournables pour toute entreprise qui “scale”, je pense aussi à la priorisation. Au début, on lance plein de projets, ce qui devient plus difficile avec 150 collaborateurs. Nous avons été obligés de mieux prioriser, ce qui fait évoluer la notion d’impact. En effet, aujourd’hui, c’est en évitant de nous éparpiller que nous avons plus d’impact sur le nombre de paniers sauvés.
Cependant, parmi les choses qui ne changent pas, c’est la continuité des feedbacks de notre équipe. C’est salutaire d’avoir ces retours, voire ces rappels à l’ordre, même quand il s’agit de détails, car ils nous permettent de rester alignés avec la mission de l’entreprise. Il peut par exemple s’agir du moyen de transport qui nous conduira à notre prochain séminaire ou la provenance des goodies offerts à nos clients. Nous sommes une organisation engagée et cela se concrétise dans notre quotidien d’entreprise.
M.U : Notre mission d’entreprise attire, c’est une chance. Par le passé, il nous est parfois arrivé de recruter des personnes très motivées mais qui ne s’épanouissaient pas dans leur poste. Nous veillons davantage à recruter des collaborateurs passionnés par notre mission d'entreprise, mais aussi par le métier. Pour l’entreprise, quand un collaborateur est passionné par son métier et a envie de s’engager dans un projet qui a du sens pour lui, l’impact est direct.