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      “L’engagement des collaborateurs est loin d’être anecdotique, mais peu de sociétés sont vraiment tournées vers cela.” — Entretien avec Sidonie Viala (Foodles)

      “L’engagement des collaborateurs est loin d’être anecdotique, mais peu de sociétés sont vraiment tournées vers cela.” — Entretien avec Sidonie Viala (Foodles)
      Mis à jour le
      19 octobre 2023
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      Mis à jour le
      19 octobre 2023
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      Depuis 2021, Sidonie Viala occupe le poste de Chief People Officer chez Foodles, solution de restauration sur-mesure en BtoB (frigos connectés et comptoirs) et livrée clé en main aux entreprises. Arrivée dans un contexte de forte croissance, elle a structuré toute la politique RH de l’entreprise et l’anime aujourd’hui pour ses près de 400 collaborateurs en France et en Angleterre.

      Dans cette interview, elle nous fait part de ces enseignements, dont l’importance d’être proche du business, la capacité à se remettre en question permanente pour engager ses salariés et la façon dont elle a impliqué l’ensemble des collaborateurs dans la construction de la culture d’entreprise. 

      Au programme :

      • Faire le lien entre les indicateurs business et les RH

      • Engagement des collaborateurs : comment faire mieux ?

      • Impliquer les collaborateurs dans la formalisation de la culture d’entreprise

      • Une formation au management “sauce Foodles” mais personnalisé selon les profils

      Faire le lien entre les indicateurs business et les RH

      Aurélie Fliedel : Bonjour Sidonie ! Pour commencer, pouvez-vous présenter votre parcours ? 

      Sidonie Viala : J’ai commencé ma carrière dans des entreprises “traditionnelles”, comme Céline, Sony, Saint Laurent ou encore Estée Lauder. En avançant, j’ai eu envie de passer à des organisations plus agiles, où la fonction “People” est au cœur du business. 

      En 2018, j’ai rejoint Ledger, une start-up de sécurisation de cryptomonnaie. Quand je suis arrivée, nous n’étions que 50 et une levée de fonds importante venait de se finaliser. C’était la première fois que je vivais ce passage, de la start-up à la scale-up. J’y ai mis à profit mon expérience dans de grandes entreprises pour structurer la politique RH, les process et la culture d’entreprise. 

      Après 2 ans et demi chez Ledger, j’ai rejoint Oodrive, une entreprise tech plus installée. Là aussi, j’ai travaillé à la structuration de la culture et des process, dans un contexte d’internationalisation. 

      Puis, j’ai fait le constat que je ressentais un fort décalage entre mon travail et mes valeurs personnelles depuis un moment déjà. J’ai vraiment eu envie d’être plus alignée. 

      C’est à ce moment que j’ai été approchée par Foodles, en 2021. Même si nous sommes assez différents en termes de personnalité, j’ai eu comme un “coup de foudre professionnel” avec les deux fondateurs. Nous avions la même volonté de mettre en place des choses cohérentes avec nos valeurs. Le poste de Chief People Officer qui m’a été proposé correspondait également à l’autonomie et à l’impact que j’attendais d’avoir, d’autant que je me suis vite vue confier en complément les sujets RSE.

      A.F : Des personnes croisées durant votre parcours vous ont-elles particulièrement influencé dans votre façon de travailler ?

      S.V : Oui, je pense tout d’abord au Global HR Director de Saint Laurent, Federico Arrigoni, à qui je reportais. Il avait précédemment occupé une fonction business, en tant que responsable du développement commercial d’une zone. Il a ensuite pris la direction des opérations RH. 

      Avec un prisme très “retailer” et centré sur l’efficacité opérationnelle, il m’a montré l’importance d’être très proche du business. Il m’a aussi aidé à faire davantage le lien entre les indicateurs business et les RH.

      Je pense aussi à Sandrine Meunier, qui a plus récemment occupé le poste de Chief People Officer d’Aircall pendant 4 ans, qui est mon mentor depuis une dizaine d’années.. Son approche est très inspirante car tournée vers le coaching, l’accompagnement et la créativité qu’on peut adopter dans les RH. 

      J’ai travaillé avec elle dans 3 entreprises différentes, dans des contextes variés. Même si nos façons de faire sont différentes, elle m’a beaucoup apporté et m’a permis de façonner ma vision des RH. Nous échangeons encore beaucoup aujourd’hui. Je n’en serais pas là aujourd’hui si je n’avais pas pris le meilleur de ce qu’elle pouvait m’apporter. 

      A.F : Merci pour ce partage ! Vous parliez de l’importance des indicateurs de business pour orienter la politique RH. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces indicateurs et la façon dont vous les prenez en compte ?

      S.V : Cela dépend de chaque entreprise, il faut adapter les indicateurs à chaque fois.

      Par exemple, chez Saint Laurent, l’approche était très “retail”. Si les boutiques devaient vendre un certain type de produit, nous allions chercher des profils de collaborateurs correspondant à ce contexte ou bien développer les compétences de nos collaborateurs en fonction. J’ai notamment mis en place à ce moment des politiques d’attraction, de rétention et d’accompagnement des collaborateurs, tant en boutique qu’au sein de l’atelier.

      Quand je suis arrivée chez Foodles, la fonction RH, encore jeune dans l’entreprise, était peu tournée sur des indicateurs business. Globalement, nous avions l’impression d’aller dans la bonne direction, mais cela reposait surtout sur du “feeling”. 

      L’un de nos enjeux consistait notamment à améliorer l’attractivité et la rétention de nos talents. C’est un sujet inhérent au secteur de la restauration et de la logistique. En effet, même si les conditions de travail sont bonnes, ce sont des secteurs d’activité pénuriques, où il est difficile d’attirer des candidats et de les garder dans le temps. Nous nous sommes donc attaqués au sujet en mettant en place des plans d’action spécifiques, notamment sur la marque employeur et les avantages collaborateurs, ce qui nous a permis d’améliorer l’attractivité et la rétention.

      Pour en faire le suivi, nous utilisons des indicateurs assez basiques. Pour l’attractivité, nous suivons surtout le plan de recrutement, le “time to hire” et le taux de validation des périodes d’essai. Ce sont des indicateurs très concrets qui nous permettent de voir si nous sommes efficaces dans le recrutement et dans l’intégration de nos nouveaux collaborateurs.

      Pour la rétention, nous préférons regarder le taux de churn plutôt que le turn-over. En effet, ce dernier n’est pas très intéressant à analyser dans une entreprise en forte croissance, car il prend autant en compte les entrées que les sorties des collaborateurs. Vu que nous avons beaucoup d’entrées, le turn-over reste de fait élevé. 

      Je décortique également le taux de churn selon le type de départ : les collaborateurs partent-ils à cause d’un manque d’évolution, de sous-performance, de manque d’accompagnement managérial, de manque de projection / vision …? Depuis combien de temps étaient-ils dans l’entreprise ? Ensuite, nous travaillons sur chacun de ces aspects avec les directeurs de départements.

      Engagement des collaborateurs : comment faire mieux ?

      A.F : Avez-vous mis en place des actions spécifiques pour l’engagement des collaborateurs ?

      S.V : Oui, j’ai travaillé sur ce sujet avec l’équipe RH dès mon arrivée chez Foodles. Tout au long de ma carrière, j’ai pu constater que l’engagement des collaborateurs est très bas, surtout en France !

      En gros, on le mesure en regroupant plusieurs données : le pourcentage de salariés qui recommandent leur entreprise en tant qu’employeur, ceux qui se projettent dans l’entreprise à plus de 3 ans et ceux qui se disent alignés avec les valeurs de l’entreprise. En France, la moyenne tourne autour de 7 %. C’est-à-dire que seulement 7 collaborateurs sur 100 dans l’entreprise cochent toutes ces cases ! 

      Pour moi, le challenge consistait à me dire : comment faire mieux ? C’est d’autant plus important que l’essence même de notre activité business est de mettre à disposition une solution qui vise justement à améliorer les conditions de travail et  l’engagement des collaborateurs de notre entreprises clientes. Il était donc primordial pour nous d’être exemplaire sur ce sujet, afin de montrer que l’engagement est un vrai levier de performance.

      Aujourd’hui, d’après des enquêtes que nous menons régulièrement, notre taux d’engagement est de 73 %. Il est resté constant, malgré les vagues de recrutements massives de ces derniers mois, et cela se traduit positivement sur nos performances. En effet, des collaborateurs engagés restent plus longtemps dans une entreprise et contribuent à faire vivre les valeurs en interne. Ils font donc bénéficier de leur courbe d’apprentissage et leur expérience les nouveaux entrants. C’est un cercle vertueux !

      A.F : Comment avez-vous fait pour garder ce taux d’engagement constant ? 

      S.V : Même s’il est difficile de dire avec certitude ce qui favorise l’engagement, nous arrivons à mettre le doigt sur les points à améliorer grâce à nos enquêtes internes. Nous ne nous contentons pas d’un taux global de satisfaction, nous récoltons aussi des verbatims. Cela nous permet d’identifier des problèmes sous-jacents, difficilement exprimables via des questions fermées, et d’agir en fonction. 

      L’année dernière, nous avons par exemple surtout travaillé sur la pérennité de standards élevés concernant les conditions de travail. Nous avons mis en place une charte de télétravail et une charte de parentalité, et nous avons clarifié le suivi de la performance, l’accompagnement en termes de formation, les avantages collaborateurs… 

      Dans notre dernière enquête, menée en mai - juin dernier, nos collaborateurs ont soulevé la question de la reconnaissance. Pas seulement pécuniaire, mais également en termes de management et de challenges au quotidien. Un second levier d’amélioration a été identifié, plutôt lié au contexte de croissance de l’entreprise. Nous avons énormément grossi, et nos lieux d’activités sont répartis à différents endroits. La communication interne est donc devenue plus compliquée. Nous avons des efforts à faire sur ce point, afin que les différents métiers continuent à bien travailler ensemble et à mieux communiquer.

      A.F : En parallèle des plans d’action pour favoriser l’engagement, adressez-vous l’absentéisme ? Est-ce un sujet chez Foodles ?

      S.V : En effet, ce sujet est assez nouveau pour nous. D’après ce que j’ai pu observer et entendre de la part de mes collègues DRH, il y a actuellement une tendance à la hausse de l’absentéisme dans l’ensemble des entreprises.

      Nous avons cherché des explications au niveau de la communication interne et de l’implication de ces salariés dans la vie de l’entreprise. Nous nous sommes par exemple demandés si l’ensemble des collaborateurs se sentait assez inclus dans la vision globale de l’entreprise, était suffisamment accompagné par le management.

      Je pense que le phénomène s’explique surtout par le contexte post-COVID dans lequel nous sommes. Les collaborateurs se posent en effet beaucoup de questions sur le sens qu’ils donnent à leur travail. Il est parfois difficile de trouver du sens dans des fonctions qui sont très “terrain”. 

      Pour y remédier, nous essayons désormais de les impliquer davantage dans la vision de l’entreprise et de leur montrer leur contribution en ce sens. 

      Mais, pour l’instant, je dois dire que je n’ai pas encore la solution à ce sujet. Nous avons enclenché ces actions tout récemment, au mois de juillet. Nous nous donnons quelques mois pour voir si le plan d’action porte ses fruits…

      Impliquer les collaborateurs dans la formalisation de la culture d’entreprise

      A.F : Avez-vous développé la culture d’entreprise pour attirer et retenir les talents ?

      S.V : Oui, cela a d’ailleurs été un gros sujet quand je suis arrivée chez Foodles. Il était en effet difficile pour nous de recruter de nouveaux talents, car nous avions peu de visibilité en tant que recruteur et nous n’avions pas encore de culture clairement formalisée. 

      Nous avons donc travaillé en ce sens avec tous nos collaborateurs. Nous avons ainsi demandé à l’ensemble de nos collaborateurs via un sondage de nous citer les valeurs qu’ils vivaient dans l’entreprise, et à l’inverse celles qu’ils aimeraient vivre davantage. Un consensus est vite apparu autour des valeurs qui sont les nôtres: esprit d’équipe, convivialité, transparence et engagement. 

      A.F : Mesurez-vous l’application de ces valeurs au quotidien dans votre équipe ?

      S.V : Oui ! Quand nous mesurons la performance des collaborateurs, nous les évaluons aussi selon nos valeurs et leurs applications concrètes au quotidien.

      Ces valeurs sont notre boussole pour toutes les étapes de l’expérience collaborateur, du recrutement aux évolutions de carrière. 

      En effet, les personnes qui incarnent le plus nos valeurs sont les collaborateurs que nous favorisons pour leur évolution, quel que soit le poste. 

      La formation des managers au service des valeurs de l’entreprise

      A.F : Comment vous assurez-vous que les managers soient le relais des valeurs de Foodles ? 

      S.V : Il n’y a malheureusement pas de recette magique pour cela ! Nous privilégions une communication interne très transparente. Nous organisons notamment une réunion hebdomadaire qui rassemble l’ensemble des collaborateurs. On y partage les chiffres, les projets en cours, les retours clients … Nous nous sommes un peu reposés là-dessus, en laissant au manager le rôle de répondre aux questions et de mettre en place les actions concrètes au sein de leur équipe.

      En parallèle, nous avons monté une formation spécifique pour nos managers. Un premier volet est consacré au management “sauce Foodles” : la concrétisation de nos valeurs au quotidien, les façons de donner et de recevoir un feedback, les sujets autour de la performance… 

      Le deuxième volet est plus personnalisé et s’adapte à chaque manager. En effet, nous avons des profils de managers très variés chez Foodles et c’est quelque chose que nous souhaitons valoriser. 

      Pour cela, nous faisons passer à chaque manager le test de personnalité DISC. Il débriefe ensuite ses résultats avec son N+1 pour préparer un plan d’actions sur ses axes d’amélioration. Il dispose aussi de séances de coaching individuelles pour travailler sur ses axes. 

      Par souci de transparence, nous invitons nos managers à partager les résultats de leur test de personnalité à leur équipe. Les collaborateurs savent ainsi sur quel point leur manager peut être plus ou moins en difficulté, selon sa personnalité. Cette transparence permet à chacun d’être plus bienveillant les uns avec les autres. 

      Ces formations sont donc un juste équilibre entre nos valeurs et la prise en compte de la personnalité de chaque manager. 

      A.F : Très intéressant ! Par quels autres moyens vous assurez-vous que la transparence est bien respectée au quotidien ?

      S.V : Je pense que l’exemple de notre réunion d’équipe du vendredi est assez parlant. J’ai travaillé dans pas mal d’entreprises mais aucune ne donnait autant d’informations à ses collaborateurs, sans distinction hiérarchique. Nous y partageons à tous l’avancement sur nos prospects, notre performance financière, notre niveau d’avancement par rapport au budget, nos changements d’organisation (et évidemment les profils des nouveaux entrants de la semaine (entre 5 et 20 personnes tout de même !)

      Ce partage est très important même si, parfois, il peut être “trop” transparent. En effet, certains collaborateurs peuvent avoir du mal à faire le tri entre toutes les informations, ce qui peut être confusant. C’est évidemment aussi aux managers d’expliquer les messages.

      Toujours dans un effort de transparence, nous avons aussi récemment mis en place un système de feedbacks 360°. Je pensais que le process serait assez intuitif de par notre culture, mais je me rends compte qu’il est quand même nécessaire d’accompagner les collaborateurs. En effet, il n’est pas facile de donner du feedback ! Certains collaborateurs peuvent être tentés de ne dire que des choses positives.

      Pour l’instant, nous avons limité ce système de feedbacks 360° aux membres du Comex. Chaque membre a nommé 6 personnes qui doivent lui donner un feedback. Ensuite, il fait un point avec son manager pour discuter d’un éventuel plan d’actions à mettre en place. Il doit aussi faire une restitution aux collaborateurs qui ont donné leur feedback. 

      C’est une première étape, nous allons ensuite élargir ce système pour nos managers, toujours en les accompagnant. Potentiellement, nous le ferons plus tard pour tous nos collaborateurs.

      A.F : Pour conclure cette interview, avez-vous en tête d’autres sujets RH qui vous semblent importants d’aborder ?

      S.V : Il y a un sujet que nous n’avons pas encore “craqué” chez Foodles, celui de la transparence des salaires

      Je suis encore un peu frileuse sur ce sujet. J’ai du mal à savoir si cela est vraiment un “game-changer” pour l’entreprise et ses collaborateurs. J’ai conscience que c’est une attente importante pour les jeunes générations mais, cette transparence me semble encore difficile à appliquer. Nous avons des collaborateurs très différents au sein de notre équipe et je me demande si la transparence serait forcément une bonne chose. 

      Cela étant dit, cela fait partie des sujets récurrents d’entreprises qui développent des choses très intéressantes pour l’engagement de leurs collaborateurs. L’engagement est loin d’être anecdotique, mais peu de sociétés sont vraiment tournées vers cela. J’espère que nous serons de plus en plus nombreux !

      Publié le 19/10/2023

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