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      Bien-être collaborateur : réduire le turn-over de moitié en proposant des avantages inédits — Entretien avec Faustine Gallier

      En lançant une politique RH aux antipodes des pratiques classiques du secteur dentaire, Faustine Gallier, DRH de Clinadent, a réussi à réduire le turn-over de moitié et à attirer des managers expérimentés venant d’horizons différents.

      Bien-être collaborateur : réduire le turn-over de moitié en proposant des avantages inédits — Entretien avec Faustine Gallier
      Mis à jour le
      5 janvier 2024
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      Mis à jour le
      5 janvier 2024
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      En lançant une politique RH aux antipodes des pratiques classiques du secteur dentaire, Faustine Gallier, Directrice des Ressources Humaines de Clinadent, a réussi à réduire le turn-over de moitié et à attirer des managers expérimentés venant d’horizons différents. Elle nous explique dans cette interview les avantages qui font la différence pour ses collaborateurs, ainsi que l’importance qu’elle accorde au lien DRH - Dirigeant et aux managers de proximité.

      Au programme :

      • “Au travail, on se construit soit en mimétisme, soit en opposition”.

      • “Nous prenons des initiatives que les autres acteurs du secteur ne font pas”.

      • “Nous avons réussi à faire baisser le turn-over de moitié.”

      • “Nous faisons extrêmement confiance à nos managers de proximité”.

      • L’importance du “match” pour le recrutement. 

      “Au travail, on se construit soit en mimétisme, soit en opposition”.

      Aurélie Fliedel : Bonjour Faustine ! Pour commencer, pouvez-vous présenter votre parcours ? 

      Faustine Gallier : J’ai fait des études de droit et commencé ma carrière en cabinet d’avocats en tant que juriste. Mais j’ai rapidement cherché une approche plus humaine du métier juridique. C’est comme cela que les Ressources Humaines se sont imposées à moi. 

      J'ai alors rejoint le groupe Inditex, au sein du groupe Zara, en tant que RH généraliste. Cependant, de par la taille du groupe, les salariés devenaient des numéros. J’étais encore trop coupée de l’humain.

      Après cette expérience, j’ai découvert le secteur de la santé en travaillant pour un groupement de pharmacies : Healthy Group. C’était une très bonne expérience et j’ai enfin trouvé le côté humain que je recherchais. La structure était relativement petite : nous n’étions que 10 au siège quand j’ai commencé - 80 lorsque j’ai quitté l’entreprise. C’était une expérience très intéressante car il était question d’accompagner la croissance du groupe et de structurer un service RH inexistant jusqu’ici.

      A.F : Quels sont les personnes et événements qui ont particulièrement inspiré votre vision des RH ?

      F.G : Lors de mon passage chez Healthy Group, j’ai travaillé avec une DRH très humaine et bienveillante. Elle m’a beaucoup inspirée par sa proximité avec les collaborateurs.

      Quand elle a quitté l’entreprise, j’ai pris un poste de DRH par intermittence alors que je n’avais que 2 - 3 ans d’expérience. Je gérais seule 80 salariés au siège, en plus des collaborateurs des 400 pharmacies de façon indirecte. Ce fut un moment très marquant. On m’a demandé si j’étais capable de prendre ce poste, j’ai dit oui sans trop y croire moi-même. Avec le recul, cela m’a beaucoup challengé et apporté pour le reste de ma carrière. 

      Puis, une autre DRH, venant d’un grand groupe, est arrivée. Elle était très “en hauteur” pour une entreprise à taille humaine comme la nôtre. Je suis convaincue, qu’au travail, on se construit soit en mimétisme, soit en opposition. Pour le coup, je me suis construite en opposition par rapport à sa façon de faire. J’ai dans mon profil un aspect très opérationnel, j’ai besoin de faire les choses et d’être au contact des gens. Cette DRH m’a fait comprendre que je n’aspirais pas à suivre son mode de fonctionnement. 

      Ensuite, j’ai été approchée par le fondateur et CEO de Clinadent sur Linkedin, Philippe Yacharel. Cela tombait très bien car je n’étais plus du tout alignée avec ma manager. Philippe m’a tout de suite beaucoup inspirée. C’était un chirurgien-dentiste qui s’est transformé par la force des choses en chef d’entreprise. Il a construit le groupe Clinadent de A à Z. Il faisait tout, jusqu’à faire les plans des centres et monter lui-même les tables et les chaises pour les ouvertures.

      Cette interview tombe à un moment charnière car il est récemment décédé. Je tiens à lui rendre hommage car il m’a fait confiance malgré mes 28 ans pour prendre un poste décisif au sein de son entreprise. Il m’a toujours accompagné de façon très bienveillante et protectrice. Il m’a donné envie de me surpasser. C’est le manager qui m’a le plus inspiré et j’ai envie de suivre son exemple pour le reste de ma carrière. 

      “Nous prenons des initiatives que les autres acteurs du secteur ne prennent pas”.

      A.F : A votre arrivée chez Clinadent, qu’avez-vous mis en place en termes d’actions RH innovantes ?

      F.G : Quand je suis arrivée, tout était à faire côté RH. J’ai notamment rapidement compris que le groupe avait beaucoup d’exigences envers ses salariés mais que les contreparties proposées n’étaient pas suffisantes.

      Nous avons donc commencé par mettre en place des avantages sociaux. Ils peuvent paraître basiques pour des grands groupes, mais ils sont en fait très différenciants pour le secteur dentaire. Je pense par exemple à la mutuelle Alan à 80 %, aux tickets-restaurants, au comité d’entreprise externe… Pour un groupe de cliniques dentaires, c’était déjà énorme. 

      Pour nous, ces initiatives s’inscrivaient dans une démarche globale. Pour notre équipe de direction, nous ne souhaitions par exemple pas seulement recruter des personnes du secteur dentaire, mais aussi des profils venant de grands groupes - type Sephora ou Décathlon. Pour les séduire, il fallait nous aligner un minimum sur les avantages auxquels ils étaient habitués.

      A.F : Proposez-vous à vos collaborateurs des avantages spécifiques pour leur bien-être ?

      F.G : Nous avons fait un constat : 80 % de nos effectifs sont composés de femmes. Nous nous sommes donc demandé comment améliorer et simplifier la vie de nos collaboratrices.

      Avec Manon Gobillot, ma responsable RH, nous avons créé un package parentalité qui comprend notamment un partenariat avec Choisir ma Crèche. Nous finançons le coût de la crèche, ce qui représente un avantage et un coût conséquents pour une PME comme la nôtre. Nous offrons également à tous nos parents une semaine de congés payés lors de la première semaine en crèche de leur enfant. 

      Nous proposons également une prime de naissance et une adaptation de l’emploi du temps lors des rentrées scolaires. Aussi, nous ne décomptons pas du temps du travail des collaboratrices le temps nécessaire au tirage de leur lait, quand il est réalisé sur le lieu de travail.

      Toutes ces initiatives répondent aux attentes de nos collaboratrices, qui ont entre 20 et 35 ans en moyenne et nous différencient des autres structures du secteur. 

      Enfin, au vu notre activité, il est logique pour nous de proposer à nos collaborateurs un accompagnement dentaire de très bonne qualité. En plus de la mutuelle à 80 %, nous leur offrons des réductions sur les soins dentaires pour leur permettre un accès facilité.

      A.F : Et d’un point de vue financier, proposez-vous d’autres avantages ?

      F.G : Oui ! À mon arrivée, nous avons mis en place un système de primes basé sur les objectifs. Là encore, nous partions de zéro. Le projet fut assez intense : nous avons élaboré la catégorisation des populations de salariés, le schéma des entretiens annuels et la périodicité des versements de primes.

      Cela a été très challengeant la première année. La plupart des directeurs de centre se prêtaient à l’exercice de l’entretien annuel pour la première fois. Je les ai tous accompagnés pour leur expliquer le process à suivre, la façon de délivrer les objectifs, comment donner du feedback… Je me suis rendue dans chaque centre et j’ai réalisé plus de 180 entretiens annuels en deux mois !

      L’année suivante, quand nous avons versé les premières primes, nous avons constaté un réel impact sur la satisfaction des collaborateurs et leur engagement. Il faut savoir que ce genre d’initiative est très peu répandue dans le secteur dentaire. 

      Nous avons aussi tenu à ne pas réserver les primes aux postes qui génèrent des revenus. Les assistants dentaires sont par exemple tout autant concernés. Chez Clinadent, nous estimons que le succès de l’entreprise est le fruit d’un travail collectif. 

      Le message envoyé à nos salariés était donc fort : nous prenons des initiatives que les autres acteurs du secteur ne prennent pas et, en plus, nous tenons nos promesses. 

      “Nous avons réussi à faire baisser le turn-over de moitié.” 

      A.F : Grâce à ces initiatives, observez-vous un impact sur l’attraction et la rétention des talents chez Clinadent ?

      F.G : Notre package parentalité a convaincu certaines personnes de nous rejoindre, notamment grâce à l’accès facilité aux crèches.

      Ces avantages sont très importants pour nous car, comme l’ensemble des entreprises, le secteur dentaire n’est pas épargné par les enjeux d’attraction et de fidélisation des collaborateurs. De plus, il est très concurrentiel et en pleine croissance. Les groupes dentaires sont obligés d’être hyper agressifs dans leur politique de recrutement et proposent des salaires mirobolants aux collaborateurs pour les attirer et les garder.

      Clairement, nous ne pouvons pas nous aligner sur ce type de propositions délirantes. Mais, pour autant, je n’ai pas du tout honte des rémunérations que nous proposons chez Clinadent ! De plus, je préfère que les personnes que nous recrutons aient de bonnes raisons de nous rejoindre et de rester. Nous ne pouvons pas être dans la surenchère permanente.

      Quand je suis arrivée, le turn-over était très élevé - jusqu’à 40 % dans certains centres. Progressivement, nous avons réussi à le faire baisser de moitié.

      “Nous faisons extrêmement confiance à nos managers de proximité”.

      A.F : Avez-vous instauré une politique managériale particulière ?

      F.G : Oui, bien sûr. Dès le recrutement, nous recherchons des managers de centre prêts à faire grandir les équipes avec bienveillance. À ce stade, je travaille toujours en binôme avec Angélique Thibout, Directrice du Pôle Développement, et avec qui j’ai la même approche du management.

      Nous recherchons également des personnes qui ont du courage managérial. Pour moi, c’est une forme de bienveillance.

      Par le passé, nous avons eu de manière isolée des cas de directeurs de centre malsains, voire dans le harcèlement. Dès le signalement, nous avons tout de suite mené des enquêtes internes et agi en termes disciplinaires.

      La santé des salariés, notamment mentale, est la chose la plus importante à préserver. Je ne peux pas imaginer qu’un salarié Clinadent vienne travailler avec la boule au ventre.

      A.F : Proposez-vous une formation particulière pour les managers qui vous rejoignent ?

      F.G : Oui et c’est d’ailleurs primordial. Notre équipe de direction est assez particulière car les personnes viennent de secteurs vraiment différents - du retail par exemple. Nous souhaitions recruter des personnes avec une bonne expérience du management et qui ont appris à accompagner les collaborateurs.

      Durant un mois, nous prenons le temps de former ces collaborateurs pour leur donner toutes les clés de compréhension de notre secteur et leur présenter ce que nous attendons de nos managers. Ils ont une partie de formation théorique durant laquelle nous leur faisons une formation sur les bases de la dentisterie, la gestion de Doctolib, de notre logiciel dentaire interne, le fonctionnement de notre service Tiers Payant, le rôle de chaque salarié au sein des centres, le fonctionnement de nos process etc. Puis ils passent 15 jours en centre avec un Directeur afin de mettre en pratique plus opérationnelle leurs connaissances nouvellement acquises. 

      Lorsque nous nous sommes lancées dans le recrutement et la formation de profils complètement hors dentaire, c’était un gros pari pour nous car nous étions les premiers du secteur à le faire. Angélique Thibout a construit cette formation et l’a fait évoluer au fil du temps, et aujourd’hui c’est un modèle de direction que nous ne changerions pour rien au monde !

      Je suis fière de constater que notre entreprise arrive à recruter des managers venant de grands groupes. Pour moi, c’est la preuve que notre projet et le secteur de la santé sont porteurs de sens.

      A.F : Quelle place donnez-vous aux managers de proximité pour veiller au bien-être de vos collaborateurs ?

      F.G : Nous leur faisons extrêmement confiance pour tirer la sonnette d’alarme ou pour apaiser les situations en cas de problème. Ensuite, quand cela est nécessaire, nous agissons toujours de façon très rapide depuis le siège.

      J’ai notamment construit un partenariat très fort avec la Médecine du Travail. Au moindre doute, je propose aux collaborateurs de la contacter. 

      Aussi, nous avons commencé à travailler sur des ateliers portant sur les gestes et postures à adopter au bureau pour réduire les troubles musculosquelettiques.

      De plus, le bien-être passe aussi pour moi par la cohésion d’équipe. Pour cela, nos directeurs ont tous un budget de fonctionnement qui leur permet d’animer leurs équipes autour de dates clés et/ ou d'événements. C’est eux qui choisissent ! Un dîner en équipe, une animation de team building, ils disposent de leur budget et nous leur faisons confiance pour relancer l’engagement des collaborateurs à travers l'événement qu’ils jugeront le plus opportun.

      A.F : Avez-vous formalisé une culture d’entreprise en tant que telle ?

      F.G : Je dirai presque que chaque centre, qui compte entre 15 et 30 salariés, possède sa propre culture ! Elle dépend énormément du directeur de centre.

      Nous avons cependant un point très différenciant par rapport aux autres groupes dentaires : notre positionnement haut de gamme. Cela nous est très cher et nous différencie vraiment en termes de vision. 

      Nos salariés sont fiers de travailler pour Clinadent car ils savent que notre groupe met vraiment l’accent sur la qualité des soins et la prise en charge du patient. Nous ne cherchons pas la rentabilité à tout prix. 

      Régulièrement, notre secteur connaît malheureusement des démêlées avec la justice pour des cas de fraudes à la Sécurité Sociale ainsi que des opérations inutiles et/ou douloureuses sur les patients. Clinadent n’a jamais eu à subir une seule affaire comme cela. Nos collaborateurs savent qu’ils vont travailler dans de bonnes conditions.

      Nous accordons beaucoup d’importance à la notion d’exemplarité et d’excellence de nos soins, et je pense que la culture d’entreprise s’est construite autour de cette fierté pour les équipes d’appartenir à un groupe porteur de telles valeurs.

      L’importance du “match” pour le recrutement

      A.F : Quelles erreurs avez-vous pu commettre durant votre parcours ? Quelles leçons en tirez-vous ?

      F.G : J’ai mis du temps à me construire en tant que manager et à identifier le profil de personnes avec qui je travaille le mieux. Au début, j’ai par exemple recruté des personnes avec qui le “match” ne se faisait pas.

      J’ai l’avantage et l’inconvénient d’être très franche. J’arrive à faire comprendre ma pensée sans détour mais il faut que les personnes en face puissent l’entendre. Je donne également beaucoup de confiance aux personnes qui arrivent dans mon équipe. Il faut donc être capable d’être rapidement autonome et savoir gérer cette pression. 

      Précédemment, j’ai eu tendance à adapter mon style de management aux personnes. Mais, je pense qu’on redevient forcément soi-même au bout d’un moment. Le naturel revient toujours au galop ! J’ai donc appris à recruter des personnes qui me ressemblent. Depuis, cela fonctionne super bien.

      A.F : Très intéressant ! Avez-vous des bonnes pratiques pour les personnes qui recherchent des collaborateurs capables d’entendre le feedback positif comme négatif ?

      F.G : J’écoute beaucoup mon instinct lors du recrutement. C’est quelque chose que j’ai eu du mal à faire au début, car je suis plutôt cartésienne. 

      Dans plusieurs cas, il m’est arrivé de recruter des personnes qui cochaient toutes les cases sur le papier mais avec qui je ne le “sentais” pas. C’est une opinion difficile à exprimer car on ne s’appuie sur rien de concret !

      Dans le cas de plusieurs erreurs de recrutements, j’ai pensé que j’aurais dû m’écouter. Puis, en discutant avec Angélique Thibout, ma collègue avec qui je fais les recrutements de Directeurs, je me suis rendu compte que nous pensions la même chose. Nous n’avions juste pas osé partager notre instinct l’une à l’autre. Depuis, nous nous sommes fait la promesse de toujours nous écouter.

      À l’inverse, nous avons déjà recruté des personnes qui ne correspondaient pas à 100 % à ce que nous recherchions. Mais, nous avons senti leur potentiel en entretien et nous les avons quand même recrutées. Je pense par exemple au cas de notre Directeur du centre d’Avignon, qui gère très bien son centre, même si son CV ne correspondait pas à ce que nous avions en tête pour ce poste.

      Il faut donc vraiment écouter son instinct. En réalité, nous savons assez vite si cela va “matcher” ou non avec une personne. Il faut se sentir capable de surmonter ensemble des moments difficiles, tout comme des moments de bonheur. Pour cela, il est indispensable d’avoir des “atomes crochus”.

      A.F : Pour finir, quel regard portez-vous sur la fonction de DRH ?

      F.G : C’est un métier où il faut être en totale confiance avec la personne qui vous manage, car le DRH a une portée très structurante et confidentielle.

      J’ai déjà pu observer des situations où des DRH n’étaient pas en accord avec leur direction. Cela ne conduit qu’à créer des collaborateurs malheureux.

      Le lien avec la personne qui nous manage est fondamental. J’ai eu la chance d’avoir une relation exceptionnelle avec Philippe Yacharel, qui m’a fait beaucoup grandir. Je souhaite à tous les DRH de tisser un lien comme celui-ci ! C’est comme cela que l’on construit des relations de travail saines et qu’on mûrit au sein de son environnement de travail dans un cadre bienveillant qu’on a ensuite envie de retranscrire auprès de ses collaborateurs.

      Publié le 12/05/2023

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