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“La réalité terrain guide notre politique RH” — Entretien avec Cécile Chopinet

Recruteuse, commerciale, puis DRH, Cécile met à profit son expérience terrain pour améliorer le quotidien des collaborateurs d'IT Link. Elle valorise la proximité et une culture d’entreprise profondément tournée vers l’humain pour favoriser leur rétention.

“La réalité terrain guide notre politique RH” — Entretien avec Cécile Chopinet
Mis à jour le
5 janvier 2024
Interviews
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5 janvier 2024
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Recruteuse, commerciale, puis DRH, Cécile Chopinet met à profit son expérience terrain pour améliorer le quotidien des 700 collaborateurs IT Link, une société fondée en 1986 et cotée à la bourse de Paris. Elle met en avant l’importance de la proximité et une culture d’entreprise profondément tournée vers l’humain pour favoriser leur rétention. Un enjeu majeur en ESN (Entreprise de Services du Numérique), secteur qui connaît un turn-over particulièrement important.

Au programme : 

  • Accompagner les collaborateurs avant tout
  • Les petites attentions et la proximité au cœur des préoccupations RH
  • "Fixer un cadre, mais ne pas hésiter à en sortir"
  • “Plutôt des longues conversations que des évaluations”

Accompagner les collaborateurs avant tout

Aurélie Fliedel : Bonjour Cécile ! Pouvez-vous présenter votre parcours ? 

Cécile Chopinet : Bonjour Aurélie. J’ai commencé ma carrière dans le monde automobile, chez Citroën, au service client. J’ai été amenée à faire assez naturellement du management opérationnel et j’ai très vite vu qu’accompagner les collaborateurs m’intéressait beaucoup. Je me suis alors orientée vers les Ressources Humaines, alors que je n’avais pas de formation en ce sens.

J’ai donc découvert le métier de RH sur le terrain, à la Direction Après-Vente de Citroën. Je travaillais notamment sur les parcours de formation et les parcours de compétence. Ils concernaient des métiers très techniques que je ne connaissais pas, ce qui m’a encore amenée à me former sur le tas. 

Après 8 ans chez PSA, j’ai décidé de faire un break pour vivre en Allemagne avec ma famille. En revenant en France, j’ai voulu trouver un emploi dans les RH ce qui n’a pas posé de problème particulier. Beaucoup d’offres étaient disponibles dans le secteur du recrutement. 

Je suis arrivée chez IT Link, une ESN qui propose des services en conseil dans les domaines des systèmes connectés et de la numérisation industrielle. Je me suis d’abord occupée du recrutement d’ingénieurs. Puis, je suis devenue manager commerciale au bout d’un an afin d’accompagner des collaborateurs travaillant en mission chez PSA. Un monde que je connaissais déjà bien !

En 2013, dans un contexte de crise économique et de changements pour PSA, j’ai accompagné des collaborateurs de PSA qui n’avaient plus d’affectation mais dont les compétences étaient intéressantes pour de nouveaux projets. Ce travail d’accompagnement m’a énormément plu et a confirmé mon choix pour la voie RH.

Je suis devenue DRH en 2014 chez IT Link et je participe depuis 2018 au comité de direction. Parmi tous les sujets que j’ai pu aborder durant ces 8 ans, j’ai travaillé à apporter des avantages aux salariés et donc à améliorer leur expérience collaborateur.

A.F : Intéressant ce passage du commercial aux RH. Selon vous, en quoi votre parcours commercial vous a permis de réussir dans votre nouveau poste ?

C.C : Avoir occupé plusieurs postes dans l’entreprise avant un poste de direction m’a indéniablement donné de la légitimité auprès des équipes. Cette vision macro me permet aussi d’avoir une meilleure compréhension des enjeux des collègues durant les comités de direction. 

Les petites attentions et la proximité au cœur des préoccupations RH

A.F : Comment abordez-vous le sujet de la rétention des collaborateurs ?

C.C : Même s’il est commun à toutes les entreprises, le sujet est particulièrement critique dans les ESN. Car, nous avons beau recruter des salariés en CDI, les projets sur lesquels ils travaillent ont une durée limitée. Cette organisation en “mode projet” rend la rétention encore plus difficile. Elle est aussi rendue compliquée par le profil même de nos consultants, qui sont très recherchés sur le marché.

Par conséquent, même si nous sommes conscients que notre turn-over restera haut quoi qu’il arrive, nous faisons tout ce que nous pouvons pour garder nos collaborateurs le plus longtemps possible. 

Nous ajoutons même des “plus” qui sont notre marque de fabrique et qui sont très appréciés par nos collaborateurs. 

A.F : Justement, quels sont ces “plus” qui donnent envie aux collaborateurs de rester ? 

C.C : En plus d'être moteur sur les sujets RSE et de bien-être des salariés, je dirais que notre culture d’entreprise repose beaucoup sur la proximité et les petites attentions du quotidien. Quand un collaborateur est en arrêt maladie, nous lui envoyons par exemple systématiquement un petit mot pour lui souhaiter un bon rétablissement.

Avec 700 collaborateurs, on arrive à maintenir ce lien bienveillant, même en travaillant principalement à distance.

A.F : Comment avez-vous formalisé au fil des ans cette culture d’entreprise tournée vers l’humain ?

C.C : C’est relativement facile car nous sommes une toute petite équipe RH. Les messages se transmettent donc très bien. 

Pour le recrutement de l’équipe RH, il était important pour moi de trouver des personnes avec de grandes qualités humaines avant tout. Car, même si cela peut sembler évident, je pense qu’il faut vraiment s’intéresser aux gens et prendre le temps de discuter individuellement pour travailler aux RH. Cela ne sert à rien de monter des ateliers de bien-être si cette relation de proximité n’existe pas. 

A.F : Comment articulez-vous cette culture avec la mission de l’entreprise ?

C.C : Comme toute entreprise, une ESN repose avant tout sur son capital humain. Si les collaborateurs se sentent bien, leur travail ne pourra qu’être bénéfique pour l’entreprise. Nos enjeux RH sont donc très bien alignés avec ceux de la direction.

Pour leur faire profiter de bonnes conditions de travail et leur apporter de vrais “plus”, nous avons choisi Alan comme mutuelle, nous leur proposons des places en crèche, nous organisons des ateliers de relaxation… Nous organisons aussi beaucoup d’événements au niveau local, toujours dans cette idée de proximité. 

Nous proposons également à nos collaborateurs de faire l’arrondi sur salaire, depuis leur fiche de paie,  en faveur de deux associations qui militent pour l’égalité des chances. C’est une initiative que j’ai portée après la crise COVID-19, afin d’être solidaire de personnes qui en ont particulièrement souffert. À travers cette initiative, nous accompagnons donc des jeunes défavorisés qui souhaitent poursuivre leurs études.

Enfin, au niveau environnemental, nous travaillons à réduire notre empreinte via le changement de certaines pratiques.

"Fixer un cadre, mais ne pas hésiter à en sortir"

A.F : Avez-vous observé ces dernières années des tendances de fond au niveau RH ? 

C.C : Le télétravail, tout d’abord. Nous y étions déjà habitués, du fait de la répartition géographique de nos salariés sur tout le territoire et de notre cœur de métier : l’informatique. Cependant, le COVID-19 a considérablement fait avancer les choses à ce niveau-là. Des clients qui étaient autrefois récalcitrants l’acceptent plus.

On observe aussi de plus en plus d’envies de reconversion. Nos salariés ont beau être surqualifiés, certains veulent changer de vie et de métier pour être plus près de leurs aspirations personnelles. 

Pour ces situations, nous nous adaptons au cas par cas. Par exemple, récemment, une salariée souhaitait démissionner pour faire un tour d’Europe de 6 mois. Étant donné que ses compétences nous sont très précieuses, nous l’avons rattrapée en lui proposant un congé sans solde, ce qu’elle n’avait pas osé demander. Elle retrouvera son poste dans les mêmes conditions après son voyage. Cela lui permet de réaliser son projet, tout en nous laissant espérer son retour dans 6 mois et sans trop nous engager. 

Toujours dans cette optique de s’adapter plutôt que de voir partir nos salariés, nous avons mis en place une politique “work from anywhere”. Là aussi, nous nous adaptons selon chaque situation, dans la limite de ce qui est possible.

A.F: Avez-vous des conseils pour des entreprises qui souhaitent mettre en place un environnement de travail flexible ?

C.C : Pour que cela fonctionne, je pense qu’il faut à la fois proposer un cadre formel et faire preuve de souplesse. 

L’accord télétravail, créé en partenariat avec le CSE, nous permet de gérer 90% des cas. Pour le reste, nous faisons du cas par cas. Notre accord télétravail ne prévoit pas de politique “work from anywhere” par exemple, mais nous le faisons quand même car nous préférons nous adapter plutôt que les voir partir. 

A.F : Pensez-vous que vos collaborateurs arrivent à insuffler la culture IT Link chez leurs clients ?

C.C : Le fait de leur dire que nous sommes favorables au télétravail et que notre accord l’autorise 3 jours par semaine les amène à s’adapter.  On incite d’ailleurs nos managers à aborder ce sujet avec eux car il ne doit pas être tabou. Au pire, le client dira juste “non” ! 

“Plutôt des longues conversations que des évaluations”

A.F : Nous avons évoqué le sujet de la rétention des collaborateurs, mais que mettez-vous en place pour l’attraction des talents ?

C.C : Lors du changement de direction en 2018, nous avons mené un profond travail de refonte de notre marque employeur. L’objectif était d’améliorer notre notoriété, tout en explicitant notre mission et nos forces. 

Nous nous sommes efforcés de mieux expliciter la mission d’IT Link, en mettant l’accent sur les aspects les plus valorisés par nos clients : notre savoir-faire et leadership dans le domaine des systèmes connectés. Cela nous a permis de recentrer notre communication, en accord avec le plan stratégique de l’entreprise.

En parallèle, nous avons travaillé avec une agence externe pour retravailler notre marque employeur en profondeur sur notre site et nos réseaux sociaux. On est allés jusqu’à faire évoluer notre charte graphique ! 

Nos missions et ambitions étant plus claires, ce travail de refonte a été très bien reçu par nos salariés. Nous avons mesuré une certaine fierté de leur part via différentes enquêtes. Nous recevons également beaucoup plus de candidatures qu’auparavant.

En interne, nous recrutons beaucoup de nos managers commerciaux à la fin de leur stage d’études (environ 5 à 6 stagiaires par an). Le stage leur permet de voir si le métier leur plaît vraiment car, entre la prospection, le recrutement de consultants et le management, c’est un métier difficile pour un jeune diplômé. Ils ne sont d'ailleurs pas toujours formés par leur école pour cela. Cette intégration par le stage nous permet d’éviter les erreurs de recrutement. 

A.F : Quelles sont les compétences que vous recherchez et développez chez vos talents ?

C.C : Avant tout l’empathie et la capacité à suivre les collaborateurs sur la durée. 

On ne peut pas recruter un manager commercial qui n’est motivé que par les chiffres. Il faut notamment être capable de repérer les signaux de fatigue, de burn-out… Il faut vraiment avoir des qualités humaines, être à l’écoute et avoir envie d'interagir avec les autres. 

A.F : Très intéressant ce rôle du manager de proximité. Sur ce point, avez-vous mis en place des process de suivi des collaborateurs ?

C.C : On fonctionne avec des entretiens annuels, qui sont plutôt des longues conversations que des évaluations. C’est à ce moment que viennent les demandes de formation et de mobilité par exemple. On demande au collaborateur comment son année s’est passée, comment il se projette, s’il a besoin de formations…

On forme nos managers à la conduite de ces entretiens annuels pour qu’ils ne tournent pas qu’autour de la rémunération. 

A.F : Au-delà des entretiens annuels, recueillez-vous régulièrement le feedback de vos collaborateurs ?

C.C : Ils répondent tous les mois à deux questions, l’une sur le projet en cours et l’autre sur leur manager. Leurs réponses ne sont pas anonymes, mais l'exercice n'est pas obligatoire. Cela nous permet de mesurer la satisfaction collaborateur régulièrement.

Aussi, Great Place to Work mène tous les deux ans une enquête indépendante et anonyme auprès de nos salariés. Grâce aux résultats, nous avons pu identifier les chantiers sur lesquels agir pour notre expérience collaborateur. 

Nous avons particulièrement renforcé le leadership et la crédibilité du management IT Link en instaurant des moments d'échange réguliers entre les collaborateurs et les différentes équipes de direction (direction générale, direction technique et direction RH). 

Ces enquêtes nous ont aussi permis d’identifier les initiatives chères à nos collaborateurs : mutuelle, référent handicap, arrondi sur salaire, la contribution citoyenne de l’entreprise… La transparence était également un sujet très important. Nous avons mis en place des grilles d’augmentation de salaires, négociées avec le CSE. 

A.F : Diriez-vous que c’est un plus pour favoriser la rétention et l’attraction des talents ?

C.C : Oui, car le sentiment de fierté et d’appartenance est là. Nous avons observé une énorme progression depuis nos premiers résultats, jusqu’à être aujourd’hui dans le Top 20 de notre catégorie. 

Encore une fois, c’est en améliorant l'expérience des collaborateurs qu’on peut augmenter la performance globale de l'organisation. Les deux sont totalement liés !

Même si la certification Great Place to Work ne suffit pas en elle-même pour retenir les salariés, elle permet néanmoins d’atténuer les effets du turn-over en attirant de nouveaux profils. 

Garder cette culture d’entreprise, malgré les mouvements et changements de collaborateurs, sera un vrai challenge. Écouter nos collaborateurs de façon continue est donc très important pour faire ressortir de nouvelles pistes d’amélioration.

Je dirai aussi qu’une de nos forces réside dans la prise en charge des petits gestes du quotidien. Nous prenons par exemple en charge la mutuelle avec Alan à 75% et celle à 100% du Pass Navigo. Nous essayons vraiment de mettre en place une politique RH centrée sur l’humain et le quotidien des collaborateurs, pas sur les grands discours.

Publié le 20/02/2023

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